C'est avec ce dessin humoristique et éminemment tragique de Jean Duverdier que Alain de la Bretesche, président de Patrimoine-Environnement, introduit une tribune sur les conséquence potentielles de la loi ELAN (Evolution du logement et aménagement numérique) sur la sauvegarde du patrimoine français.
Patrimoine-Environnement est une association nationale d'utilité publique, agréée au titre du code de l'Environnement et de l'Education Nationale, qui oeuvre pour la mise en valeur de l’environnement, du patrimoine archéologique, architectural et touristique de la France. Elle fait autorité dans son domaine et à ce titre nous la respectons.
Elle livre une analyse de la loi ELAN, promulguée le 23 novembre 2018 par le Président de la République, sous l'accroche :"Construire plus, mieux et moins cher !" Alain de la Bretsche considère qu'en l'état le texte de loi qui traite du permis de construire n'est pas suffisamment intelligible pour être applicable et formule le souhait que les décrets d'application viennent lever les ambiguïtés existantes.
S'agissant des "Sites patrimoniaux remarquables" (la nouvelle appellation des "plans de sauvegarde et de mise en valeur"), il relève qu'il y a désormais deux procédures possibles : le Maire, saisi d'une demande de construction peut (1) proposer un projet et le soumettre à l'avis simplement consultatif de l'ABF (architecte des bâtiments de France), ou (2) soumettre le dossier à l'ABF pour l'obtention cette fois de son avis conforme. La décision est entre les mains de l'autorité locale, pour autant qu'elle dispose des moyens et de l'expertise nécessaires.
Alain de la Bretesche en conclut : "Le danger est important : si le maire [......] n’a pas d’empathie particulière pour l’ABF, [......] l’avis conforme aura totalement disparu dans le site patrimonial remarquable de sa collectivité".
La décentralisation a des vertus mais on ne peut pas attendre des 35.000 maires de France qu'ils aient tous, chevillé au corps, le désir de sauvegarder le patrimoine ainsi que la compétence requise pour prendre les bonnes décisions en matière d'architecture. Les ABF sont quelques fois critiqués pour leur attitude. Il reste que ce sont des fonctionnaires d'Etat d'encadrement supérieur, formés pour la fonction qu'ils exercent, membres du corps des architectes et urbanistes qui ont choisi l'option "patrimoine". Contrairement aux "Architectes en Chef des Monuments Historiques" dont les rémunérations sont les honoraires qu’ils perçoivent sur les montants de travaux définis par eux-mêmes, l'ABF est à l'abri des conflits d'intérêt. Il perçoit un salaire fixe qui découle d'une grille indiciaire de la fonction publique.
Nos préoccupations rejoignent celles de M. de la Bretesche. Nous attendons avec intérêt les décrets d'application. Ils pourraient apporter des clarifications et espérons le des apaisements si le Ministre de la Culture prend d'ici là la mesure du péril. De notre point de vue, il importe de préciser la nature de ces projets que la collectivité locale préparerait pour les soumettre à l'avis (simplement consultatif) de l'ABF et en réduire le champ de sorte que cette possibilité ne serve pas trop souvent d'échappatoire aux obligations de respect du cadre de vie et du patrimoine.
Gérard Simonet