Local de recharge des batteries dans le IIIe (Photo VlM/OA/LF)
On parle beaucoup des trottinettes dans les médias en ce moment. Mais curieusement, les commentateurs dédaignent d'aborder les dessous du modèle économique, notamment l'appel à ces "petites mains" qui agissent la nuit pour collecter, recharger et replacer les engins. Deux de nos lecteurs qui se qualifient gentiment "d'assidus" nous éclairent à ce propos. Voici leur témoignage :
Lecteurs assidus de "Vivre le Marais !", nous voulions porter l'attention de vos lecteurs sur un problème d’un nouveau genre qui pourrait bientôt nous toucher tous. C’est un problème que nous rencontrons depuis quelques semaines, lié au développement de ce nouveau moyen de transport qu’est la trottinette électrique.
La mise sur le marché d’une multitude de trottinettes a engendré un souci de taille : ces engins doivent être chargés. La solution trouvée par les opérateurs, les faire charger par des particuliers, via une application qui leur permet de les repérer et de les « chasser » dans la ville puis de les ramener chez eux pour refaire le plein de batterie et les déposer au petit matin dans la rue.
Ce nouveau petit boulot, envisagé comme un complément de salaire, a donné des idées à certains. Depuis quelques semaines une bande d’individus bien organisés qui, à toute heure et surtout la nuit jusqu’à 8h00 du matin se relaient pour charger les trottinettes dans un local loué à leurs frais, a élu domicile au 45 rue Volta dans le 3ème . Le quartier Vertbois du Haut-Marais s’est fait une spécialité du "pop up store" et de la location temporaire et nous pensions que leur activité ne durerait qu’un temps. Hélas ! Le temps passe et ce nouveau business se développe.
On ne compte plus les bips stridents des trottinettes, les allers-retours incessants en scooter bruyant et les voitures aux portières qui claquent sans gêne aucune pour amener et ramener les engins toute la nuit. Les trottinettes chargent sur de nombreuses multiprises (imaginez des dizaines de trottinettes branchées sur des batteries, elles-mêmes reliées à des multiprises des heures durant !).
Pour éviter d’attirer les regards des curieux un drap pend lamentablement sur la vitrine. Le sens interdit ne fait pas peur, on s’invective à 4h00 du matin en criant. Quand le temps est clément on sort des chaises, on s’assoie sur les scooters que l’on gare sur la chaussée (attendre cinq heures dans un local que les engins chargent doit en effet sembler long) et on envahit le trottoir (tant pis pour les poussettes, les riverains et les enfants de l’école élémentaire Vaucanson toute proche …). Le numéro 45 de la rue est devenu leur nouveau point de rencontre.
Cette rue autrefois si tranquille attire de plus en plus de ces oiseaux de nuit au grand désespoir des commerçants et des habitants. Nous les avons approchés pour tenter d’en savoir plus sur leur bailleur - car ce local n’a pas d’affectation de nuit - et sur leur possible départ prochain. Il nous a été répondu que « tant qu’[ils] paient [ils] restent ».
Nous avons signalé la situation à la mairie et attendons que l’adjoint du maire nous contacte pour que nous le rencontrions afin de lui exposer la situation. Mais il nous semble que le temps presse et que chaque jour passé est un jour où cette bande gagne du terrain (au sens propre comme au figuré). Nous espérons que la mairie agira pour le bien et la sécurité de tous car la réglementation de l’usage des trottinettes passe également par la réglementation sur leur charge. Nous espérons que "Vivre le Marais !" soutiendra notre action et que nous retrouverons bientôt une rue et des nuits paisibles.
Ophélie et Loïc, résidents rue Volta
Le côté positif de ce message est que l'activité générée crée des emplois et donne une chance à des jeunes de fournir une valeur ajoutée qui n'est ni stupide, ni répréhensible pour autant qu'elle s'exerce dans le respect du droit. Nous pensons que la possibilité existe de maîtriser aussi bien l'usage de ces nouveaux modes de mobilité que leur exploitation, pour autant qu'une loi appropriée en fournisse le cadre et que les acteurs du maintien de l'ordre en garantissent l'application.
Bonjour,
Selon un article du Parisien, les recharges de trottinettes se feraient dans des parties communes, garages,etc... d'immeubles, consommation à la charge des copropriétaires
Les dérives commencent à se faire jour, seront-elles suivies d'effet???
Anne
Rédigé par : Anne | 14 juin 2019 à 15:53
Exactement, Catherine II, gérer une ville c’est prévoir et dépasser le bling-bling d’entreprises-voyous dont le lobbying auprès des élus est intense.
Voici deux articles de Forbes qui montrent les chiffres du business model des trottinettes-scooters. Ils montrent que :
-c’est un modèle extrêmement faible qui dégage une profitabilité assez minable car ces entreprises ( Lime et Bird) utilisent les 3/4 de leurs gains en maintenance et rechargement.
-On voit aussi que le rechargement fait par des particuliers (le sujet de l’article) leur coûte beaucoup moins cher que s’il est réalisé par des salariés déclarés et légaux de l‘entreprise.
-Au regard de ces chiffres, on réalise que si ces boîtes ne diminuent pas immédiatement leur coût de maintenance, elles vont rapidement mettre la clé sous la porte.
-Il est logique d’en conclure que le rechargement semi-clandestin dénoncé par Vivre-le-Marais va être développé à tout crin (comme condition de survie des entreprises) - en particulier dans le centre de Paris où la “rotation” des trottinettes est la plus juteuse.
-Ce sera une cause supplémentaire pour que la population des arrondissements du centre de Paris “s’évapore”et finisse par céder totalement la propriété des locaux en Rez-de-Chaussée des immeubles d’habitation à des fonds d’investissements immobiliers, sans foi ni loi, qui se fichent pas mal des conditions du sommeil des habitants.
-On peut aussi deviner que le lobbying auprès des élus et relais d’opinion, pour empêcher toute réglementation de l’utilisation du domaine public va s’intensifier.(seul Londres résiste héroïquement jusqu’à présent). On ne va pas tarder à les entendre.
-A moins que, comme les bicyclettes vert-fluo de “Gobee bike”, les trottinettes finissent tristement dans la Seine car, à Paris , à défaut d’une réglementation opérationnelle et réactive de la puissance publique, c’est le vandalisme qui fait la loi .
References :
https://www.forbes.com/sites/greatspeculations/2018/05/01/what-drives-value-at-electric-scooter-sharing-startups-like-bird/
https://news.crunchbase.com/news/the-revenue-costs-and-margins-behind-birds-scooters/
Rédigé par : Mary | 10 juin 2019 à 17:19
Merci @ Mary de votre analyse très pertinente.
Notre modèle de développement est à bout, et certains en profitent à mort (celle des autres surtout) avant qu'on ne trouve comment se réorganiser.
Faire de l'argent vite, tout de suite, sans contrôle: sans doute est ça qu'on appelle être entrepreneur actuellement : merci les écoles de commerce.
Mais la Mairie est presque autant dans une fuite dans la futilité : des places sont refaites? on découvre à la fin que bétonner renvoie le son et la chaleur.
On fait un plan vélo? on re-bétonne partout.
Le revêtement des rues est refait? on oublie les pluies diluviennes de plus en plus fréquentes, et rien n'est prévu pour évacuer l'eau, qui stagne en grandes flaques dangereuses, ou s'écoule en ruisseau vers les contrebas, et les caves d'immeubles.
Paris est devenu invivable de bruit : 2nde ville la plus bruyante d'Europe après Naples, c'est tout dire.
Les commerces disparaissent? on favorise les grands groupes à succursales.
Des quartiers entiers sont hors contrôles (drogue, insécurité) dans le nord et l'est? ce qui devrait être une priorité, un combat sans merci mais avec intelligence est soigneusement occulté.
Ce n'est plus possible.
Ce n'est pas parce que c'est difficile, qu'on doit baisser les bras de cette façon.
Ça se gère, une ville!
Rédigé par : Catherine II | 10 juin 2019 à 12:35
oui, j’adore les trottinettes. j’ai encore 2 vieilles patinettes dans mon garage qui ont fait le bonheur de mes enfants (mais c’est pas vraiment une invention nouvelle ni une technologie de pointe).
Je parlais seulement du modèle économique déplorable d’une entreprise privée (à mon avis socialement rétrograde, éthiquement irrespirable, écologiquement critiquable et scientifiquement nulle) - c’était le sujet de votre article et la question est intéressante .
Rédigé par : mary | 10 juin 2019 à 00:51
@ Mary : Vous connaissez l'expression "ne jetez pas le bébé avec l'eau du bain"... Les inventions dont nous bénéficions actuellement sont en train de changer le monde comme l'ont fait l'électricité et la radio transmission. Plutôt que le regretter, nous avons pris le parti dans notre association d'accueillir la nouveauté et de militer pour qu'elle soit encadrée pour que la qualité de vie des citoyens soit respectée. Nous dénonçons comme vous l'exploitation regrettable de personnes défavorisées au mépris des lois et règlements existants mais nous ne mettons pas forcément en cause l'invention. Nous sommes simplement partisans de la domestiquer. Et si le modèle économique ne fonctionne pas dans ces conditions, il faudra passer à autre chose.
Rédigé par : Vivre le Marais | 09 juin 2019 à 20:13
Vous appelez cela des “emplois”? Je crois que notre jeunesse que nous éduquons à grand frais (cf les milliards de l Education Nationale) et dans le respect méritent mieux que de servir d’esclaves sous-payés la nuit sans aucune couverture sociale ni protection de l’inspection du travail.
Le capitalisme sauvage revient à la mode? On l’avait pourtant humanisé à grand peine pendant le siècle dernier...
Ces modèles économiques” ne fonctionnent que dans des sociétés tiers-mondisées où une partie de la population extrêmement pauvre soutient par sa misère le luxe et le confort de l’autre partie de la population - riche-
Que les fils à papa qui filent en trottinettes “ écologiques” en mesurent le coût social pour les moins chanceux qu’eux...” la Mairie de Paris aussi ...
Rédigé par : Mary | 09 juin 2019 à 15:27
Chaque jour apporte son lot d'articles, infos, opinions sur les trottinettes.
Un premier lien vers un article précis et pertinent de Futuribles : https://www.futuribles.com/fr/article/derriere-les-trottinettes-les-juicers/
Et un second lien vers un article de l'AMF (association des maires de France) qui renvoie (lien en bas de page) vers une étude, elle aussi très intéressante, sur les usagers des trottinettes : http://www.maire-info.com/urbanisme-habitat-logement/transports/trottinettes-electriques-une-etude-inedite-esquisse-le-profil-des-utilisateurs-article-23129
Bonne lecture !
Rédigé par : CDT | 09 juin 2019 à 12:29
Les emplois créés le sont probablement au noir, on n’imagine pas contrats de travail, fiches de paie et charges sociales pour ce type d’activite. Un journal a même releve que certains de ces « travailleurs » sont mineurs...
Rédigé par : JeromePl | 09 juin 2019 à 09:27
A Daniel Sée : A priori la facture d'électricité doit être payée par les locataires du local. Il reste à savoir qui en est officiellement le locataire....
Rédigé par : Vivre le Marais ! | 08 juin 2019 à 21:59
Donner du travail peut-être, mais pas au détriment des gens qui ont besoin de récupérer pour eux aussi aller travailler. Cet article démontre que tout ce qui entoure les trottinettes électriques est anarchique du début jusqu'à la fin.
Rédigé par : Sabourdin-Perrin Dominique | 08 juin 2019 à 20:17
Qui paye la facture d'électricité correspondant au chargement des batteries des trottinettes au 45 rue Volta,? Les assurances incendie?
Daniel Sée
Rédigé par : daniel Sée | 08 juin 2019 à 19:04
Il faut interdire les trottinettes électriques, c'est un véritable fléau ; les utilisateurs les laissent n’importe où..., bloquent les chemins piétons, ne respectent pas le code de la route et en plus cette activité génère le soir des nuisances au habitants de la rue Volta !
C'est trop !
Rédigé par : Thierry A | 08 juin 2019 à 18:50
L'activité générée telle qu'elle s'exerce dans les conditions décrites ci-dessus relève plutôt du gangstérisme.
Il est probable qu'elle n'intéressera plus personne dès lors qu'on l'obligera à obéir aux règles de droit, ce qui ne serait que justice.
(Voir l'étude économique du Boston Consulting Group )
Rédigé par : geneviève Dupoux Verneuil | 08 juin 2019 à 15:35