La location saisonnière, symbolisée par les fameuses "valises à roulettes" (Photos VlM)
a Cour de Cassation a rendu ce jeudi un arrêt qui valide sa stratégie de lutte contre les plates-formes touristiques comme Airbnb, Abritel ou Leboncoin. Dans son arrêt la cour juge la réglementation nationale adaptée et proportionnée".
Ian Brossat, Maire-adjoint communiste en charge du logement auprès d'Anne Hidalgo, s'en est immédiatement réjoui. Deux dispositions imposées par l'Hôtel de Ville étaient en cause : les 120 jours autorisés pour la résidence principale et l'obligation de convertir en destination "commerciale" les résidences secondaires pour avoir le droit de les louer.
Il existe en effet une typologie des locations saisonnières : On distingue le propriétaire, dont c'est la résidence principale, qui la loue pendant ses absences. S'agissant de son domicile personnel, il est improbable qu'il puisse s'en dessaisir longtemps. La réglementation à Paris en limite la durée à 120 jours par an. C'est considérable. Si le tribunal avait décidé d'étendre cette durée voire la supprimer, c'est à peine si on s'en serait rendu compte !
L'autre cas de figure concerne les résidence secondaires. On en dénombre près de 130.000 à Paris, soit 9% des logements, avec une concentration plus forte dans les arrondissements du centre. La mairie de Paris, soucieuse de soutenir le marché de la location longue durée, n'a pas pu interdire la location touristique de courte durée mais a pris des mesures pour qu'elle ne soit possible qu'à la condition d'obtenir de la Ville un changement du statut "d'habitation" vers celui de "commercial", décision dont elle a la maitrise. Elle a rendu en pratique cette transformation difficile voire impossible en l’assujettissant d'obligations drastiques pour compenser la surface d'habitation perdue.
Pour cette catégorie de logements l'enjeu était fort pour la mairie de Paris et pour les plateformes de location. L'arrêt de la Cour de Cassation donne les coudées franches à Ian Brossat pour renforcer les contrôles et sévir en relançant les contentieux en cours. Il peut légitimement se réjouir d'avoir gagné une bataille.
Il existe cependant un mode opératoire du "troisième type", très discret, mais qui se propage et prospère, et dont en apparence personne ne se soucie. Il s'agit des locaux nombreux, rez-de-chaussée, caves, étages même, qui abritaient une activité commerciale disparue ou déplacée hors de Paris. C'est le cas des grossistes-importateurs de maroquinerie et de bimbeloterie qui constituaient la mono activité de secteurs entiers des IIIe et IVe arrondissements.
Cour d'immeuble dans le IIIe avant transformation
Jusqu'à ce que la mairie de Paris cesse de diffuser par bulletin la liste des demandes de permis de construire et de demandes d'autorisations de travaux, on pouvait voir chaque quinzaine l'annonce de la transformation de nombreux locaux en "résidence hôtelières". S'agissant d'espaces ayant déjà le statut "commercial", aucune autorisation n'ést nécessaire si ce n'est celle de l'urbanisme.
Certains s'en dispensent et sont rarement inquiétés. D'autres plus consciencieux déposent un dossier, soumis à l'avis conforme de l'ABF (architecte des bâtiments de France) qui n'a pas toujours les moyens de procéder aux contrôles du respect des règles du PSMV (devenu SPR). Ils procèdent tranquillement à la transformation de surfaces considérables en espaces pouvant accueillir les clients des plateformes de location.
Par ce biais, la maitrise du phénomène de location saisonnière n'est plus vraiment l'affaire de Ian Brossat mais plus discrètement celle du Premier-adjoint à la Maire de Paris en charge de l'urbanisme, Emmanuel Grégoire, et de la technostructure dont il assure la tutelle. Ian Brossat peut se targuer d'avoir obtenu satisfaction en muselant les propriétaires de résidences secondaires à Paris, il reste démuni face à la déferlante des résidences hôtelières.
Que doit-on en conclure ? Tout d'abord qu'il y aurait moins d'engouement pour la location meublée touristique si les lois en matière de location longue durée et la fiscalité n'étaient pas aussi pénalisantes pour les propriétaires-loueurs. Le Parlement devra un jour s'en préoccuper et M. Brossat l'admettre. Dans l'état actuel des choses, il faudrait que la mairie de Paris soit exigeante, protectrice du patrimoine et transparente vis à vis des transformations qui se déroulent autour de nous. Il faudra aussi que ces nouvelles résidences hôtelières soient soumises aux mêmes règles d'hygiène, d'accessibilité et de sécurité que l'hôtellerie traditionnelle pour éviter la concurrence déloyale.
GS
Votre article est marqué au coin du bon sens.
Et il faudrait peut-être poser la question constitutionnelle qui fâche : où est le droit au libre usage de la chose possédée, droit de propriété et d'usage garanti par la Constitution française ?
Ou bien faut-il en déduire que posséder un logement vous soumet automatiquement à une obligation de location longue durée.
Or, aucune clause de ce type ne figure dans les actes de vente et c'est heureux car ce serait illégal.
La Ville de Paris joue donc un très sale jeu qui consiste à faire pression, à menacer ou à tenter de ruiner les propriétaires pour les contraindre en toute illégalité à louer en bail longue durée. Et pourtant aucun contrat ne lie les propriétaires-bailleurs à la Ville de Paris.
Et comme vous le précisez, ce ne sont pas toutes ces législations ultra-contraignantes qui vont favoriser les locations.
Enfin, il faut poser une dernière question:Paris n'est pas extensible, on ne peut pas pousser les murs pour loger plus de monde.Par ailleurs, combien d'emplois et d'activités crée le tourisme ?
Dernier point: Mme Hidalgo et M. Brossat encaissent chaque année entre 60 et 70 millions d'euros de taxes de séjour rien que pour Airbnb. Et là, bizarrement, on ne les entend plus.
Si l'activité est illégale, en percevoir des revenus est tout aussi illégal. Donc la Ville de Paris nage dans l'illégalité...
Rédigé par : marie bozzi | 22 février 2021 à 09:11
A Monique. Je suis d'accord avec presque tout. Et effectivement je ne vois pas comment le résident parisien (qu'il soit retraité etc..) peut vider son appartement (plein à craquer comme il se doit et avec pas mal de trucs auxquels il est attaché à tort ou à raison) pour héberger des airbnb à la petite semaine ??? Quel boulot ! Donc le problème est ailleurs...
A Alain Genel, Monique...Par contre l'appel à encore plus de lois, de contraintes me laisse dubitative. Nous croulons sous les lois, il y en a tellement que plus personne ne les connait, ni ne s'y retrouve. Même les cabinets d'avocats adoptent aujourd'hui des domaines de compétence extrêmement fins (droit du bail commercial, droit du bail civil, droit de la copropriété, droit de la construction, droit etc...) même les impôts sont largués .... Et ??? Résultat ?? Vous m'en remettrez bien une petite couche...
Rédigé par : Elisabeth | 21 février 2021 à 18:29
Qui peut louer sa résidence principale pendant 120 jours : les retraités, les chomeurs, les rentiers ... si résidence principale il y a , pour la majorité des habitants il y a emploi, ecole, commerce et service .... et donc il n'y a pas de location possible. Cette décision est un non évènement , un emplâtre sur une jambe de bois qui vise a récompenser quelques habitants qui eux pourraient partir sans problème. Le résultat économique est faible.
La véritable question est : comment pourra t on maintenir des familles dans le centre de Paris ?
certainement pas en permettant que des locaux commerciaux, y compris au raz du trottoir, puissent du fait de leur attribut de destination commerciale être transformés en habitation louée pour des courtes durée. C'est un grand bénéfice pour les propriétaires: rentabilité et disponibilité du local, comment trouver mieux ?
Mais les conséquences sociologiques et urbaines pour la ville peuvent être considérables dans un quartier qui avait une forte proportion de locaux artisanaux comme le troisième arrondissement la dérive est partout ; certains immeubles étaient pour un tiers en destination commerciale. Où il y avait de l'activité journalière il y a maintenant le ballet des bagages a roulettes ...
La transformation des usages entraine des nuisances enormes qui sont irreductibles du fait de la volatilité des nouveaux usagers
En fait on est en train de créer une zone de tourisme en capsule au prix de la vie collective.
Les procédures administratives actuelles ne permettent pas de quantifier le phénomène puisqu'il n'y aucune autorisation a demander.
Mais la réaction de l'autorité administrative se fait attendre
on ne peut qu'en déduire qu'il n'y a pas de volonté politique
Rédigé par : monique | 21 février 2021 à 10:03
A Joséphine. Je sais que ce blog n'est pas l'endroit. Ce que Hughes (je pense) et moi-même essayons de dire est que le mauvais propriétaire, mais néanmoins "bon père de famille", qui fait tout pour maintenir son bien en bon état, qui rapplique même lorsque le lavabo est bouché (oui ! oui !) etc,etc... est en voie de disparition. Comme partout, d'ailleurs. Donc, vive les sociétés d'investissement internationales, les grands groupes qui n'en ont rien à faire (ni du locataire, ni de l'investissement d'ailleurs), au moins le particulier français sera éjecté. OUF!
Rédigé par : Elisabeth | 20 février 2021 à 19:18
En bon père de famille, il reste que même avec la loi d'encadrement des loyers, il est impossible pour les revenus moyens de se loger à Paris !
De plus louer un bien ne consiste pas uniquement à encaisser les deniers, il y a les obligations de propriétaires, ce n'est pas un placement bancaire (et non dépourvu de risques), en bon père de famille avec une petite retraite, vous savez, que l'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, et sans doute qu'une infirmière par exemple pourra avoir des difficultés à se loger, nous ne sommes plus dans le Paris de Victor Hugo. Si l'on doit protéger les droits des propriétaires (garanties sur loyers impayés), la loi d'encadrement des loyers est strictement nécessaire !
Rédigé par : Joséphine | 20 février 2021 à 12:18
Il faudrait également que la loi encadre le changement d'usage d'un local commercial devenant un meublé touristique en le soumettant à l'agrément de la Ville
Rédigé par : Alain Genel | 19 février 2021 à 21:10
Vous avez raison de souligner que la règlementation est de plus en plus dissuasive pour les propriétaires-bailleurs. Pourtant, loin des clichés, les logements concernés (notamment en location longue durée) sont très souvent le fruit d'une épargne de long terme destinée simplement à améliorer une petite retraite.
Les nouvelles contraintes imposées avec une délectation peu dissimulée par Mme Hidalogo et M.Brossat: l'encadrement des loyers, les conditions draconniennes pour la location touristique, etc. sont de véritables punitions pour les particuliers qui gèrent leur épargne en "bon père de famille".
La conséquence logique et prévisible, c'est une fuite des investisseurs immobiliers particuliers, qui seront remplacés, comme vous l'indiquez très bien, par des professionnels aguerris et parfois peu scrupuleux.
J'en profite pour faire remarquer que, suite aux conséquences de la crise du covid, Paris n'est plus une zone tendue pour la location (la demande et l'offre se sont largement rééquilibrées), ce qui était pourtant la justification des mesures d'encadrement des loyers. A mon sens elles n'ont plus lieu d'être.
Rédigé par : Hugues M | 19 février 2021 à 21:03
Il faudrait déjà que la Ville de Paris cesse de harceler, poursuivre, suspecter, fagociter le pauvre pékin qui a un studio meublé et le loue à l'année (en bail normal, reconductible etc ). Face à la loi de "l'emmerdement" maximum, il est évident que le recours à un organisme extérieur (plateforme commerciale saisonnière), de surcroît beaucoup plus rentable, finit par être tentant.
Rédigé par : Elisabeth | 19 février 2021 à 20:48