Église Saint-Eustache, à gauche tour sud inachevée, façade classique de 1754 avec fronton et colonnades sur deux étages, ordres dorique et corinthien (Photos VlM, clic gauche pour agrandir)
L'extension de notre territoire aux quatre arrondissements du centre nous vaut quelques merveilles de plus. Il est presque injuste de les citer car ce faisant on prend le risque d'en oublier mais comment ne pas se réjouir de compter parmi les monuments de notre secteur le Louvre, la Sainte Chapelle et la Conciergerie, la Fontaine des Innocents, la Bourse.... et l'église Saint-Eustache ?
La rénovation de l'église revient sur le devant de l'actualité. "Les Échos" du 29 mars 2021 sous la signature de Marion Kindermans, rappelle que "cet édifice religieux classé, l'un des plus visités de Paris, va bénéficier d'une restauration de 8,9 millions d'€. Le plan de relance pour le volet patrimoine conforte une aide de l’État à hauteur de 2,2 millions. Leur confrère Le Parisien lui avait consacré un long article très bien documenté de Philippe Baverel il y a un peu plus d'un an. Nous recommandons à nos lecteurs de le lire si ce n'est déjà fait ("Le Parisien", 10 novembre 2019).
Face sud, arcs-boutants en soutien de la nef, ouvertures en plein-cintre façon art roman
Le mieux est naturellement de s'y rendre. On a dit beaucoup de choses sur l'architecture de cet édifice dont la version actuelle date du XVIème siècle. Certains, et parmi eux Viollet le Duc, la trouvent incohérente car elle a recours aux styles gothique, roman et renaissance. D'autres estiment au contraire que ce mélange des genres en fait tout le charme. Il démontre par exemple que le gothique n'est pas forcément incompatible avec les voutes en plein-cintre qui caractérisent l'art roman...
Ce qui surprend dès qu'on pénètre c'est la hauteur phénoménale de la nef. Il n'y a pas en France de voute de cette hauteur, pas même celle de Notre-Dame. Il n'y a pas non plus d'orgue aussi somptueux par sa taille et sa décoration (Ducrochet, buffet de Baltard, 1854). Il a la particularité de disposer de deux consoles, une en tribune et l'autre déplaçable dans la nef pour être près des fidèles.
"Vierge de douleur" à gauche et "adoration de mages" d'après Rubens à droite
Dans le double déambulatoire autour du chœur et le long de la nef, on découvre la sépulture de Colbert, dont la famille possédait l'une des 24 chapelles de l'église. La chapelle principale est dédiée à la vierge Marie. Elle abrite une sculpture de "la vierge et l'enfant" de Jean-Baptiste Pigalle. Plusieurs peintures décorent ces chapelles, notamment une "adoration des mages" qui est une copie de Rubens.
L'art contemporain a sa place. Dans l'une des chapelles on est surpris mais ravis de découvrir une œuvre de Keith Haring (1962-90), "La vie du Christ" (The radiant Child), un triptyque en bronze avec patine d'or blanc, qu'il faut décoder pour déceler tout ce que l’artiste a voulu dire (naissance, vie, mort et résurrection)...
Cette église a reçu de nombreuses personnalités en dehors de Colbert. Marivaux, Scaramouche, Rameau... y ont eux aussi leur sépulture. Le roi Louis XIV y fit sa première communion et Anna Maria Pertl, mère de Mozart, y eut ses obsèques quand la mort vint la prendre durant son séjour à Paris en 1778.
Gérard Simonet