Réhabilitation de l'Hôtel d'Anjou du Marais, l'ancien squat "Marais Public", en conformité avec les règles d'urbanisme du PSMV (plan de sauvegarde et de mise en valeur) du Marais. Angle rues Charlot et Pastourelle. Nous nous trouvons ici dans un secteur protégé par l'Etat.
Dialogue de sourds entre le Préfet de l'Ile de France, Préfet de Paris, Bertrand Landrieu et le Maire de Paris, Bertrand Delanoë à propos de la protection du patrimoine. Pour le Préfet, seul l'Etat est habilité à accorder sa protection au bâti au travers des plans de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) comme il en existe pour le Marais et le VIIe ainsi que pour une centaine de centres historiques en France ; pour le Maire de Paris, qui supporte mal l'intrusion de l'Etat dans trois de ses arrondissements, il existe des précédents avec les POS (plans d'occupation des sols) de certains quartiers typiques comme Montmartre ou Mouffetard.
Dans la ligne de ce raisonnement, le Maire de Paris, en même temps qu'il lançait le PLU, actionnait les différents acteurs de la vie publique, notamment des associations et les conseils de quartiers, pour que soit constitué un fichier d'immeubles "à protéger".
L'opération, conduite de façon conviviale mais assez brouillonne, typique de cette démocratie de proximité qui est le leitmotiv de l'Hôtel de Ville, a conduit à dresser une liste de 5.607 bâtiments hors PSMV. Un chiffre qui surprend par son importance, à première vue, mais qui choque certains experts que nous avons rencontrés, par l'incohérence de son contenu. Il comporte en effet beaucoup de "bruits" et trop de "silences". Des bruits quand on a intempestivement classé "à protéger" des bâtiments tout à fait ordinaires, par ignorance ou par intérêt, et des silences quand on est passé allègrement à côté de vastes parcelles dignes d'attention, par simple négligence ou par manque de moyens d'investigation.
Le Préfet demande le retrait de cette disposition au nom du droit à la propriété privée. Il est clair, en effet, qu'un classement de ce genre affecte la valeur du patrimoine, de façon positive ou négative, suivant l'utilisation qu'on projette d'en faire. Le Maire rétorque que c'est le propre de tout règlement d'urbanisme d'affecter le droit à la propriété par les avantages et les limitations qu'il apporte.
Le juge du tribunal administratif statuera. Sur le fond, il est probable qu'il ne se prononce pas. Faisons le à sa place. Il est clair que tout ce qui mérite d'être protégé à Paris ne le sera pas par de nouveaux PSMV. Il faudrait un siècle pour y parvenir. Il semble tout aussi évident que le fichier actuel, établi dans la hâte et sans l'expertise qui s'impose en la matière, ne fait pas un sort équitable aux divers éléments du bâti de Paris. Il faudrait, pour que cette protection soit crédible, que ce fichier soit passé au peigne fin pour que les "bruits" soient éliminés et que, simultanément, on lance une chasse aux oubliés de l'enquête, aux "silences", qui n'ont pas eu la chance d'être sélectionnés.
Cette nouvelle péripétie est la conséquence des structures duales qui caractérisent Paris, à la fois ville-capitale et département. Au Préfet, le Service Départemental de l'Architecture et du Patrimoine qui héberge les Architectes des Bâtiments de France et contrôle les PSMV, au Maire, la Direction de l'Urbanisme, du Patrimoine, de la Culture, la Commission du Vieux Paris et, désormais, la "protection Ville de Paris". Que les meilleurs gagnent !
Le PLU entend protéger des rez-de-chaussée en conservant leur destination actuelle. Une aubaine pour les grossistes importateurs qui bénéficieraient ipso facto d'une incroyable rente de situation ! (photo rue des gravilliers)
Autre motif de polémique, au nom de la protection du commerce et de l'artisanat, qui fait naturellement consensus, le PLU contient une disposition qui interdit leur transformation en bureaux ou logements, sur un linéaire de 260 km de chaussée, dans Paris. Curieusement, dans les débats multiples qui ont eu lieu sur sa conception dans les conseils de quartiers, le sujet n'a jamais été mentionné. Il est probable, autrement, que les habitants du IIIe et même du IVe, qui subissent les affres de la mono activité, auraient signalé les dangers et perversions de cette mesure, si elle devenait applicable au Marais, non concerné pour le moment par le contenu du PLU.
Le Préfet dépose un recours contre cette disposition, au nom de la liberté du commerce. C'est son caractère "totalitaire" qu'il met en cause. Pour notre part, nous préférons nous placer sous l'angle de l'efficacité. Nous savons que l'activité des grossistes n'est pas compatible avec l'urbanisme du centre historique de Paris dont l'évolution souhaitée est la diversité économique, à l'image de secteurs comme la rue Charlot qui a réussi sa mutation. Geler la situation dans sa configuration actuelle, interdire l'arrivée d'activités à forte valeur ajoutée comme la création, les nouvelles technologies et les services de proximité, reviendrait à stériliser nos quartiers pour toujours.
Alors, par pitié, si le PLU était approuvé en l'état, que jamais une telle disposition soit intégrée au PSMV du Marais au moment de sa révision !