Cet ensemble d'immeubles rue du Temple, entre Braque et Rambuteau, rassemble en condensé les faiblesses du PSMV (plan de sauvegarde et de mise en valeur) du Marais de Paris et les espoirs que suscite le processus de révision qui s'engage.
En dépit de leur facture prestigieuse, ces immeubles du XVIIe siècle, avec étage noble, entresol et combles aménagées, n'ont pas changé d'aspect depuis que le règlement du PSMV du Marais est entré en vigueur. Les façades en pierre sont sales, les devantures et enseignes non conformes jurent avec le cadre architectural ambiant et les cours intérieures, qui ont vocation à être débarrassées de leurs constructions parasites, sont restées en l'état pour abriter probablement des stocks.
Une bonne partie des surfaces de logements sont à usage professionnel. Nous avions consacré le numéro 2 de notre journal "Vivre le Marais !" (hiver 2003) à un reportage sur ces appartements du Marais qui abritent des marchandises. Nous avions estimé leur surface à 10.000 m² environ, soit 150 logements de taille moyenne.
Sur la base de ce constat, on peut dessiner les contours de ce que devrait être un plan de sauvegarde révisé. De quelle volonté les parties en présence sont-elles animées ?
Commençons par la Mairie de Paris. Sans doute est-elle désireuse de reprendre à l'Etat la responsabilité de fixer les règles sur les secteurs concernés (Le Marais IIIe et IVe et une partie du VIIe). Mais ce n'est pas l'essentiel et elle n'en fera pas son cheval de bataille. Ce qui est plus important pour elle, c'est l'incorporation dans le PSMV de dispositions contenues dans le PLU (plan local d'urbanisme) de Paris et, notamment, la majoration du COS (coefficient d'occupation du sol), de 20% pour le logement social et de 20% à nouveau sur les constructions qui respectent des critères écologiques.
Une autre disposition, la protection des commerces de proximité, a été annulée sur recours du Préfet de Paris et après jugement par le Tribunal Administratif mais la Ville fait appel. Si elle gagnait, ce serait un motif supplémentaire de souhaiter l'alignement du PSMV sur le PLU.
Il existe d'autres dispositions dont curieusement on ne parle pas beaucoup mais qui intéressent ceux comme nous qui souffrent du monopole des grossistes : par exemple, l'incompatibilité du stockage de marchandises avec les immeubles d'habitation.
La Maire du IVe, Dominique Bertinotti, a pris les devants et déclaré dans sa dernière réunion du conseil d'arrondissement qu'elle souhaitait profiter de l'accroissement possible du COS pour construire du social en extension de bâtiments existants. C'est en tout cas ce que nous avons compris.
Il faudrait bien sûr au préalable que toutes les hypothèques soient levées : que l'heure de la modification du PSMV soit venue (les plus optimistes tablent sur cinq ans), que le PSMV soit révisé dans ce sens, que le Ministère de la Culture et les Bâtiments de France, qui lui sont rattachés, soient d'accord projet par projet (sauf s'ils n'avaient plus leur mot à dire, ce qui n'est pas très réaliste) et que les propriétaires privés soient eux aussi d'accord pour qu'on ajoute un ou deux étages à leurs immeubles, si c'est ainsi que l'extension est prévue.
Il est possible, néanmoins, que certaines opérations de ce type soient réalisables. En parcourant le Marais, on découvre qu'il y a pas mal de "dents creuses", comprenez des immeubles sans intérêt architectural particulier, très bas, entourés de constructions plus hautes. Augmenter leur COS ne serait certainement pas stupide.
Pour le reste, il conviendra d'agir avec prudence. Il y a dans le Marais des secteurs, comme cet espace délimité dans le IIIe par les rues du Temple, Rambuteau, Beaubourg et de Bretagne où la densité d'habitants à l'hectare est de 450 contre 240 en moyenne à Paris (source APUR). Veillons à ne pas entasser les gens ! Ensuite et surtout, avant de construire il paraîtrait logique de récupérer pour l'affectation au logement tous ces appartements signalés plus haut qui possèdent le statut aberrant de locaux de stockage de marchandises, souvent inflammables d'ailleurs. La Mairie à leur égard n'a pas tous les pouvoirs mais nous avons toujours défendu l'idée que des aménagements sur la circulation et le stationnement, dissuaderaient leurs occupants de poursuivre une activité dans un cadre qui n'est pas adapté à leurs besoins, notamment de livraisons.
Le débat sur la révision tournera aussi autour des constructions parasites que le PSMV actuel condamne sans trop de pitié, dès lors qu'elles cessent d'héberger une activité économique. Le but est de rendre aux bâtiments à sauvegarder leurs proportions et leur style originels. L'idée est donc louable en soi. Elle se heurte pourtant à des difficultés pratiques et généralement au désaccord de copropriétaires pas toujours prêts à financer la démolition et la mise en valeur de ce qui reste. On compte sur l'imagination de la commission de révision pour créer des motivations qui n'existent pas aujourd'hui.
On pense par ailleurs que le jugement qui a présidé à l'élaboration des plans parcellaires tels qu'ils existent aujourd'hui, mériterait d'être assoupli pour rendre droit de cité à des constructions, certes parasites mais non dépourvues de charme voire de beauté comme en témoigne la photo ci-dessous.
Voilà ouverts des espaces de liberté que beaucoup réclament mais il serait dangereux d'ouvrir la jarre de Pandore et laisser licence aux fantaisies des uns et des autres. On aboutirait assurément à un patchwork architectural qui ôterait à nos quartiers leur valeur patrimoniale. De ce point de vue, le pouvoir quasi absolu de l'Architecte des Bâtiments de France de donner ou non un avis conforme, peut parfaitement irriter mais c'est l'assurance qu'un regard de professionnel compétent examine tous les projets, s'assure de leur pertinence et veille à leur cohérence.
S'agissant du périmètre du PSMV du Marais, il est possible que quelques retouches à la marge s'avèrent judicieuses. Rappelons que l'Île Saint Louis n'en fait pas partie. L'intérêt de l'y intégrer serait d'en protéger les intérieurs, qui ne le sont pas dans le régime actuel.
Enfin, nos échanges avec le Maire du IIIe montrent qu'une clarification des rôles respectifs de la Mairie de Paris et des Bâtiments de France dans la gestion quotidienne du PSMV ne serait pas inutile (voir notre article du 14 octobre).