Rue du Grenier Saint-Lazare (IIIe) : un assemblage hétéroclite mais harmonieux de bâtiments du XVIIIème siècle qui ont échappé aux démolitions successives
Le moment est venu de parler de cette rue, passablement encombrée par les baraques et engins de chantier au service de la rénovation des installations d'aération de la ligne 11 du métro, car la RATP annonce la fin des travaux pour le début du mois de mars.
Derrière les palissades, en effet, on peut constater que la remise en état du site a commencé. Il est donc temps de s'intéresser à cette partie de l'arrondissement qui va de la rue Beaubourg à la rue aux Ours, et qui marie un urbanisme contemporain, côté impair, et ces immeubles anciens côté pair à qui on a épargné le sort de leurs vis à vis. Ils ont échappé trois fois, en effet, à la démolition : au moment de l'élargissement de l'axe Etienne Marcel, sous Haussmann (peu avant 1870), au début des années 1900 quand on a procédé au nouveau tracé de la rue Beaubourg et dans les années 70 qui vit le réaménagement de "l'espace Beauboug" et la réalisation d'un îlot urbanisée connu sous le nom de "Quartier de l'Horloge".
Le carrefour Beaubourg-Grenier Saint Lazare en 1913. En face, vers la droite, la rue du Grenier St Lazare, et vers la gauche la rue Beaubourg, dont l'immeuble dominé par les deux lucarnes visibles sur la photo d'époque (flêche rouge), existe toujours aujourd'hui (Paris, Un voyage dans le temps, de Léonard Pitt - Parigramme)
Immeubles démolis en 1970 au profit du projet de "Quartier de l'Horloge", rue Rambuteau. Hormis leur état de vétusté, ils ressemblent à ceux qui bordent aujourd'hui le côté pair de la rue du Grenier St Lazare
Il est toujours utile de savoir d'où l'on vient. Quand la décision est prise d'élargir et de rectifier le tracé de "l'axe" Beaubourg-Renard, proche de la sinusoïde au XIXème siècle, de nombreux immeubles sont détruits. Les rues Beaubourg et Renard n'ont pas à rougir de ce qui fut construit dans la foulée. Les styles "Art Nouveau" puis "Art Déco" qui caractérisent les constructions nouvelles donnent à ces rues aujourd'hui un cachet qui saute particulièrement aux yeux quand on lève la tête car les étages supérieurs sont privilégiès. Balcons, loggias, colonnes, consoles, décorations y abondent, tandis que le bas des immeubles reste généralement plus sobre.
On a le droit d'être plus réservé en jugeant la rive impaire du Grenier St Lazare. Le "Quartier de l'Horloge" a pourtant quelques atouts. Sa série de façades côté Centre Pompidou offre une esthétique originale qui s'accorde bien avec le caractère de l'espace Beaubourg. Au sein du "village" de l'Horloge, domaine privé ouvert au public, l'architecture est inovante et porteuse de qualité de vie. L'erreur a été de créer des passages trop bas et trop étroits, difficiles à entretenir, qui attirent incivilités et délinquance.
Depuis que ces immeubles ont subi un ravalement qui était plus que nécessaire, leur façade sur la rue du Grenier St Lazare crée avec leurs vis à vis de l'autre côté de la rue, un contraste qui ne manque pas d'harmonie, entre les styles des XVIIIème et XXème siècles.
Il reste que le "charme" de ce lieu qui a tout pour devenir à la mode, comme l'est en ce moment le quartier "Bretagne", repose sur la série d'immeubles XVIIIème, tous disparates côté pair de la rue. Il s'agit généralement de bâtiments étroits, de hauteurs variées, qui portent la marque de rehaussements réussis opérés au XIXème siècle. Ils se signalent par les ouvertures du type "lucarnes" qui éclairent les volumes des étages ainsi créés.
Les activités économiques semblent avoir déjà anticipé le renouveau : un hôtel flambant neuf et un bar-brasserie au 36, un marchand de beaux vélos "vintage" au 34, un Franprix au 16, un cabinet d'infirmières et de kiné ainsi qu'une galerie d'art au 12, un agent immobilier au 8, un coiffeur esthéticien au 6, sans oublier "L'Ambassade d'Auvergne" au 24, restaurant gastronomique au cadre rustique qui sent bon la France profonde, le tripoux et l'aligot. En face, un G20 au 17, un traiteur/restaurant libanais à côté, une agence immobilière au 15, un centre de traitement laser au 7 et une grande parfumerie au 5, très fréquentée par les touristes asiatiques. Enfin, pour terminer cet inventaire, une galerie d'art au 5 et une pizzéria-bar à l'angle Beaubourg.
Au cours des nombreux débats sur l'avenir du secteur Beaubourg-Temple, on s'est souvent inquiété de ce que serait son devenir si les grossistes-importateurs s'en allaient. Chacun y allait de ses propositions toujours forcément interventionnistes. La preuve est faite ici qu'en ne se mêlant de rien, la libre économie développe une diversité naturelle.
Il y a de l'espace, rue du Grenier St Lazare. Chaussée, contre-allée, large trottoirs, des arbres, des commerces, des parkings, une grande surface (Leroy-Merlin), le Centre Pompidou, une boite de nuit (Le Dépôt) et l'Hôtel de Police du IIIe à proximité, tout pour faire de ce lieu le prochain endroit à la mode du Haut-Marais pour peu que le Maire Pierre Aidenbaum en prenne conscience et fasse un effort pour sa "requalification", comme il l'a fait pour la rue de Bretagne, avec pour effet la métamorphose qu'on sait. Il reste en effet à s'interroger sur la vocation d'une contre-allée qui n'a apparemment d'autre fonction aujourd'hui que de conduire droit à un élévateur d'accès au parking souterrain, dont on ne sait plus très bien s'il est ou non en usage.
Il faut croire que nous ne sommes pas les seuls à miser sur ce lieu : le prix moyen affiché par "meilleursagents.com" est de 9.533 €/m² et le prix le plus haut de 11.323 €/m². On n'est pourtant plus tout à fait dans le Marais, mais c'est tout comme.
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