Gérard 7 ans (à gauche) et André (Dédou) 5 ans et demi, sur une barrière du "Soutoul", à Cassaniouze - Département du Cantal
Quand on a été soi-même un "réfugié", c'est à dire un émigré qui fuit son pays pour une raison ou une autre, a fortiori quand on a vécu l'exode, poussé par la peur ou la contrainte, on garde au fond de soi une capacité plus vive de s'émouvoir des épreuves souvent plus rudes encore, que subissent de nombreuses populations dans le monde d'aujourd'hui.
Les français du sud de la France, celle qu'on qualifiait de "zone libre", en 1943-44, au cœur de villes qui étaient devenues des cibles, ont vécu l'horreur des bombardements alliés. Des militaires qui venaient là pour nous libérer de l'occupant mais qui n'hésitaient pas à lâcher sur nous des tapis de bombes pour atteindre un objectif stratégique comme une gare, un pont ou un port, en prenant pour eux-mêmes un minimum de risques.
Des milliers de personnes y ont laissé leur vie comme victimes collatérales d'interventions brutales.
D'autres ont été évacués des zones à risque. Des enfants pour la plupart. Leurs parents sont restés chez eux, en ville, car ils n'avaient pas le choix, mais ils ont mis leurs enfants à l'abri. Une forme de solidarité s'est organisée entre citadins et gens de la campagne. Ceux-ci ont accueilli ceux-là. Des petits de la ville, qui sont devenus des "réfugiés".
Il y a peu de témoignages sur ces évènements. Je m'autorise à me servir de ce blog pour publier le mien car j'ai vécu cette page d'histoire avec mon frère cadet. J'aimerais retrouver des compagnons de route. Ceux qui ont quitté Marseille pour le Cantal. Pourquoi pas ceux-là mêmes qui ont embarqué avec nous dans le car qui a parcouru le trajet d'Aurillac à Cassaniouze dans le Cantal pour nous larguer, par petits paquets, sur les marches des églises des villages traversés.
Nous pourrions échanger des souvenirs sur ces évènements qui ont marqué notre enfance par leur intensité et se sont incrustés dans nos mémoires. Ils ne sont plus ressentis comme une épreuve passée mais comme une aventure, qui nous a laissés amoureux des paysages où nous avons découvert la nature et profondément attachés aux gens que nous avons connus.
La courte histoire que je relate est aussi une page d'Histoire, qui décrit un épisode de la guerre vu à travers des regards d'enfants, en même temps qu'un témoignage sur le mode de vie dans les campagnes avant le déferlement de la société de consommation.
C'est aussi la narration poignante par nos parents, du bombardement de Marseille le 27 mai 1944, et par un témoin qui était comme nous un enfant mais qui n'avait pas eu la chance d'avoir été éloigné du danger. Qui n'avait pas eu la chance d'être devenu, comme nous, un "réfugié".
Téléchargement Petits marseillais réfugiés en 1944