La "Gaîté Lyrique" vue depuis le parc, rues Papin et Salomon de Caus, dans le IIIe
Nous sommes ici dans une partie du IIIe dont on parle peu mais qui est probablement l'une des plus fascinantes du Haut-Marais (*), celle en tout cas qui porte la marque la plus forte du passé et de notre Histoire. Elle s'étend du Prieuré Saint Martin des Champs, jusqu'à l'Enclos du Temple, qui était tout proche.
En partant du Square du Temple, où s'élevait le palais du Grand Prieur de l'ordre des Templiers, on se rappelle que c'est Napoléon III qui le fit démolir, parachevant ainsi l'action préventive de son oncle Napoléon Ier qui avait décrété l'éradication des vestiges de la tour du Temple, prison de la famille de Louis XVI, devenus lieu de pélerinage pour les royalistes.
On atteint rapidement l'église du prieuré de Saint Martin des Champs, qui héberge aujourd'hui une partie du musée des Arts & Métiers. Le trajet n'est que de 200 mètres environ le long de la rue Réaumur. Une promenade assez plaisante, d'ailleurs, car elle permet de voir, dans un alignement d'immeubles post haussmanniens, côté impair, quelques bâtiments dans le style "Art Nouveau" (du n° 35 au n° 41), caractéristique des constructions parisiennes du début du XXème siècle.
Ce prieuré, dont les origines remontent au XIème siècle, est doté d'une enceinte du XIIIème siècle dont il nous reste aujourd'hui des murs et une tour à l'angle de la rue du Vertbois (IIIe). Une deuxième tour se cache non loin de là à l'intérieur d'un immeuble privé situé 7 rue Bailly (IIIe). Elle abrite un escalier hélicoïdal qui a réussi à se lover dans son diamètre.
Tour d'enceinte rue du Vertbois Intérieur de la tour rue Bailly - photo JPD
Dans cet ensemble de bâtiments prestigieux, qui abritent actuellement le CNAM (conservatoire national des arts & métiers), tour d'enceinte, église, cloitre, réfectoire, qui virent se succéder pas moins de 65 prieurs dont quelques cardinaux, les époques se superposent et les styles se mélangent. On trouve du roman, du gothique, des signes de la renaissance sur les ouvertures de l'église et pour finir des bâtiments de la fin du XIXème siècle.
A gauche, réfectoire du XIIIème siècle d'un gothique épuré (qui devient bibliothèque du CNAM en 1845) et entrée monumentale du musée. A droite, le cloitre (encombré de nombreuses constructions parasites)
Plus au sud, mais toute proche dans la rue Saint Martin, se dresse l'église dans le style gothique flamboyant de Saint Nicolas des Champs. Louis Braille, l'inventeur de l'écriture tactile pour aveugles et mal-voyants, y a tenu l'orgue autour de 1850.
On voit que le secteur est riche en monuments, riche par son histoire. Le musée des Arts & Métiers à lui seul, qui constitue un pôle d'attraction, ravira ceux qui s'intéressent de près ou de loin à la science et à l'industrie. Une curiosité y est présentée plusieurs fois par jour, dans l'abside de la chapelle, l'expérience du fameux "pendule de Foucault", qui met en évidence la rotation de la terre sur son axe.
Église(chapelle) du prieuré de St Martin des Champs. A gauche le chevet roman (rue Réaumur) et à droite la façade gothique (rue St Martin)
C'est dans ce cadre d'une grande richesse intellectuelle, architecturale et historique, à hauteur du CNAM rue St Martin, mais de l'autre côté de la rue, que s'élève le théâtre de la Gaîté Lyrique.
Il borde le square qui s'étale entre les rues Denis Papin et Salomon de Caus (IIIe). L'édifice, dans sa version actuelle date de 1861. Il devient en 1873 le "temple de l'opérette" sous la direction de Jacques Offenbach. Les œuvres d'Offenbach sont légères, bouffes même, mais sa musique et les livrets qui l'accompagnent en font l'émule de Rossini et même de Mozart. La Gaîté Lyrique garde aujourd'hui la mémoire de son génie. Serge Diaghilev et ses "ballets russes" prirent la suite à la fin de la guerre de 14-18 en imprimant eux aussi au monument la marque de leur prestige.
Le théâtre connut ensuite une série de déboires et de faillites. Il végète jusqu'en 2001, date à laquelle le Maire du IIIe Pierre Aidenbaum et Bertrand Delanoë, devenu Maire de Paris réfléchissent à sa reconversion et décident d'en faire un centre culturel dédié aux arts numériques et aux musiques actuelles.
Dans cet esprit, les organisateurs des "états généraux de la nuit" qui se sont tenus en 2010, proposent que le square et son jardin soient ouverts toute la nuit pour accueillir des festivités musicales.
On imagine aisément les dégâts, le bruit et la difficulté d'en assurer la sécurité.
Les abords du square : dans cet alignement d'immeubles haussmanniens, l'hôtel trois étoiles "Golden Tulip", qui se sent responsable de la tranquillité de ses clients, et un centre de détention de la préfecture de police destiné aux jeunes délinquants, dont la gestion est particulièrement difficile.
Face à cette perspective, une association de défense des riverains de la Gaîté Lyrique s'est constituée et s'oppose au projet d'ouverture du parc la nuit. A l'Hôtel de Ville, Mao Péninou, Maire-Adjoint chargé du suivi des "états généraux" et instigateur de cette initiative, que nous avons rencontré le 22 novembre, reconnait qu'elle pose de sérieux problèmes pratiques et qu'elle pourrait bien ne jamais voir le jour (ni la nuit !). Le Maire du IIIe, Pierre Aidenbaum, donne l'impression de se hâter lentement vers cette nouvelle exubérance de la Mairie de Paris. On dit même qu'il serait carrément contre et qu'il l'aurait fait savoir.
Inutile de dire que nous le soutenons dans cette attitude.
Gérard Simonet
(*) On n'est pas ici strictement dans les limites administratives du Marais, telles que les fixe le PSMV (plan de sauvegarde et de mise en valeur) du Marais mais on en est proche et par leur caractère d'anciennes villes fortifiées dans la ville, les deux communautés du prieuré St Martin et de l'enclos du Temple font partie intégrante de l'histoire du Marais.
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En province les parcs sont souvent ouverts la nuit, et cela ne pose aucun problème.
Malheureusement, autre ville autres mœurs... J'imagine facilement quelle faune irait trainer dans les parcs parisiens si ceux-ci étaient ouverts la nuit. C'est sans doute pour cette raison d'ailleurs qu'on a décidé de les fermer. CQFD.
Rédigé par : Catherine | 26 novembre 2011 à 21:00
Le texte vient du site de la Mairie du 3ème:
Le square Emile Chautemps
La création du square Emile-Chautemps (ex-square des Arts-et-Métiers) fut décidée par un arrêté du 23 août 1858, à l'occasion des grands travaux entrepris par Napoléon et le baron Haussmann. Faisant suite au percement du boulevard de Sébastopol, quatre ans plus tôt, l'aménagement du jardin entraîna la destruction d'un îlot de maisons et l'ouverture des rues Salomon-de-Caus et Papin.
Le square jouxte le Conservatoire National des Arts-et-Métiers (le CNAM) et l'ancien théâtre de la Gaîté Lyrique (fermée depuis 10 ans malgré près de 2 millions de frais annuel de gardiennage à la charge des contribuables parisiens). Il est clos par une balustrade ajourée, en pierre de Saint-Ylie. Dans l'esprit des jardins à la française, il joue sur la symétrie avec des allées régulières de marronniers et ses deux bassins ovales, ornés de groupes en bronze avec, à gauche, en regardant la façade du conservatoire, l'Agriculture et l'Industrie, de Gumery, et à droite Mercure et la Musique. Ces bronzes, exécutés en 1860, furent conçus par Davioud. La colonne centrale élevée à la gloire de l'armée française est en granit de Jura. Sur le socle figurent quatre grandes victoires : Alma (1854), Inkermann (1854), Tchernaïa (1855) et Sébastopol. Depuis 1987, un buste de Marc Seguin par Costa Spourdos, orne également le square.
Par ailleurs, le square est équipé d'une aire de jeux et d'un vestiaire pour les boulistes, d'un bac à sable et de structures de jeux pour les enfants. Cet espace vert, comme l'ensemble de ceux de moins d'un hectare de l'arrondissement, est sous la responsabilité de la Mairie du 3e.
Rédigé par : André | 26 novembre 2011 à 20:18
Au secours, ils sont devenus fous! L'éventualité d'ouvrir les parcs la nuit avait en effet été envisagée lors des Etats généraux de la Nuit. J'avais mis ça sur le compte d'un brain storming débridé, soumis par la suite à la réflexion. Hélas, il n'en est rien! Je crains que toute réflexion ne soit malheureusement abolie par la recherche de la fête à tout prix, on se demande au bénéfice de qui? Certainement pas des habitants et électeurs! La municipalité actuelle voudrait faire passer Paris de l'autre bord politique qu'elle ne s'y prendrait pas autrement.
Rédigé par : Marie-Anne Stoeber | 25 novembre 2011 à 12:12
Je suis toutà fait d'accord avec "triste destin à la Gaîté". Pourquoi avoir l'idée d'ouvrir les parcs la nuit? Cela ne pose que des problèmes difficiles à résoudre :-dépense supplémentaire d'énergie électrique alors que des économies sont nécessaires.
-pb de sécurité, où la police peut-elle trouver d'autres effectifs pour surveiller?
-comment trouver le temps nécessaire et les employés pour nettoyer tout au petit matin? Et si oui, dépense publique (cad pour nous les habitants)en augmentation.
-dans les parcs,milieux végétalisés, les rythmes biologiques doivent être conservés: tous les êtres vivants,y compris l'espèce humaine ont besoin de périodes de repos le plus souvent nocturnes.
Et je ne parle pas du bruit!!
Rédigé par : Esten | 24 novembre 2011 à 23:31
Je n'aimerais pas habiter par là, moi qui suis bien à l'abri de tous ces buits, dans ma petite rue parisienne du 13ème arrondissement.
C'est tout de même triste de voir qu'il y a des quartiers où il devient pénible d'habiter parce que la municipalité se précipite dans n'importe quelle direction, sans réfléchir (pire encore si elle s'y lance en réfléchissant).
C'est triste de voir qu'au que l'instrumentalisation de la nuit à des fins économiques et sans doute aussi électorales, risque de décourager les familles (detritus en tous genres et autres sources d'insalubrité et risques)de trouver dans ces parcs un lieu de rencontre pour les enfants et ceux qui doivent passer le temps de la journée.
C'est aussi révoltant que la municipalité semble s'ingénier à créer des sources de dépenses nouvelles pour le festif (éclairages, nettoyages, surveillance)alors qu'il y a tant à faire dans un objectif plus social.
Rédigé par : triste destin à la Gaîté | 24 novembre 2011 à 19:27