Victor Hugo
On ne présente pas Victor Hugo mais il faut dire qui était Rémi Koltirine.
Rémi avait 54 ans quand il nous a quittés en septembre 2012. Il était architecte de formation et architecte dans l'âme au point qu'il est devenu témoin, journaliste et historien du patrimoine.
Il s'exprimait dans un magazine qui s'est appelé successivement "Paris-Villages" puis "Paris-Patrimoine". Dans son numéro 10, de mars 2012, il faisait la genèse des secteurs sauvegardés en France avec de nombreuses références au Marais. Il y a eu un numéro 11, puis la série s'est interrompue sans doute à jamais car le journal peut revivre mais l'esprit qui l'animait est parti pour toujours.
Mon hommage à Rémi Koltirine est tardif car j'ai appris sa mort trop tard pour réagir dans l'instant. L'émotion a été forte pourtant et je suis depuis resté redevable envers lui d'un message aux lecteurs de "Vivre le Marais !" pour leur dire l'affection et l'estime que je lui vouais.
Si je l'associe au grand poète et homme politique français, c'est en souvenir du numéro "8" de "Paris-Patrimoine" consacré au "Paris de Victor Hugo" avec un long article illustré intitulé "Sur les pas de Victor Hugo dans le Marais", rédigé par Diane Ziegler.
Voici ce qu'on lit, s'agissant des "Misérables" qui, plus encore que "Notre-Dame de Paris", est une longue description de la ville de l'époque : "à travers cette œuvre, Victor Hugo veut montrer que le vrai Paris est celui des ruelles étroites, séculaires, qui ont une histoire, une signification, un symbole. Victor Hugo semble alors dans l'optique de nous perdre dans une sorte de labyrinthe pour encore mieux s'approprier Paris".
Temple de la Visitation Ste Marie, 17 rue St Antoine (IVe) et la Bastille (gravure ancienne)
Victor Hugo donne à son roman, fruit de son imagination, un cadre réel qui est celui de ses promenades. Il cite ainsi, par la bouche de Javert ou de Gavroche : la rue du Faubourg St Antoine, la Bastille, le temple de la Visitation Ste Marie, la rue de Birague qui conduit à la place des Vosges (où Hugo vécut), le 6 rue des Filles du Calvaire où il situe le logement de la famille de Marius, les têtes de bœufs de l'ancienne boucherie du 67 rue de Turenne (IIIe), la rue de Sévigné où se trouve le lycée Victor Hugo.
Portail aux têtes de bœufs, 67 rue de Turenne (IIIe) –
Aux noces de Marius et Cosette, les berlines partent de la rue des Filles du Calvaire et croisent sur les boulevards des cortèges qui célèbrent le Carnaval, avec leur lot de Paillasse et de Pantalon, pour terminer à l'hôtel Lamoignon, rue Pavée (IVe). Puis on retrouve Marius rue de la Verrerie, "quartier qui étaient de ceux où l'insurrection dans ces temps-là s'installait volontiers" (VH).
Jean Valjean cherche refuge rue de l'Homme Armé ou rue de Chaume. C'est ainsi que se nommait la rue des Archives, étroite et sinueuse à l'époque. Il y croise "Gavroche, cet étrange enfant qui avait de l'ombre et du rêve en lui" (VH).
La Fontaine des Haudriettes (IIIe) - 1764 - Pierre-Louis Moreaux-Desproux, bas relief de Philippe Mignot - photo VlM
Suivons Gavroche dans son parcours. "Il aborda la rue des Vieilles Haudriettes et n'y voyant pas un chat trouva l'occasion bonne pour entonner toute la chanson dont il était capable" (VH). Gavroche poursuit sa course vers la rue Portefoin et arrive haletant aux Enfants Rouges.
Délaissons le roman pour la réalité : du temps où il vivait place des Vosges, Victor Hugo achetait son pain et ses croissants au 39 de Poitou (IIIe). La boulangerie est aujourd'hui l'hôtel du Vieux Moulin (chambres de luxe décorées par Christian Lacroix). Elle a conservé sa devanture d'époque avec ses fixés sous verre. Négligent, ou désargenté, Victor Hugo y a laissé une dette qui figure encore dans les livres de comptabilité.
Hôtel du Vieux Moulin, 39 rue du Poitou (IIIe)
On a mille raisons d'aimer ce géant qu'a été Victor Hugo. Dans le Marais, peut-être lui doit-on la survie de notre patrimoine qui a été dans les années 60 à deux doigts de disparaitre. C'est lui en effet qui a écrit, et en cela peut-être a-t-il influencé André Malraux : "Rien de plus funeste et de plus amoindrissant que le goût des démolitions. Qui démolit sa maison démolit sa famille ; qui démolit sa ville démolit sa patrie ; qui démolit sa demeure détruit son nom. C'est le vieil honneur qui est dans les vieilles pierres". (VH)
Gérard Simonet
On trouvera l'intégralité du texte de Diane Ziegler dans le magazine de Rémi Koltirine "Paris Patrimoine", n° 8 de septembre 2011 qu'on peut se procurer sur Internet