Erection de l'obélisque de Louxor place de la Concorde par François Dubois (Musée Carnavalet)
Jusqu’à la décision annoncée récemment de faire entrer au Panthéon quatre personnalités de la Résistance, de nombreux noms circulaient bien avant que le choix définitif ne soit connu. Sans faire de parallèle trop hasardeux, c’est un peu ce qui se produisit sous le règne de Louis Philippe lorsqu’il s’est agi d’ériger l’obélisque de Louxor. Différents lieux furent évoqués avant que le roi, conseillé par l’architecte Hittorf, tranche pour la place de la Concorde. Les uns privilégiaient pourtant la Madeleine, d’autres le Pont Neuf ou le Louvre voire même la Bastille.
Entre le don du célèbre monument fait à la France en 1829 par Méhémet-Ali, vice-roi d’Egypte, afin de sceller les bonnes relations entre les deux pays et l’installation définitive de monolithe, 7 ans auront été nécessaires.
C’est ce périple que retrace une exposition très intéressante qui se tient jusqu’au 6 juillet au Musée de la Marine.
Au début du XIXe siècle, il ne restait plus que 10 obélisques en Egypte. Sur une proposition de Champollion, un navire à 3 mâts,le LUXOR, au tiran d’eau très faible avec une étrave amovible, fut spécialement construit à Toulon pour acheminer la célèbre pierre. Il partit le 15 avril 1831. Il a fallu éviter les tempêtes, attendre et profiter des crues du Nil et ensuite de la Seine, mais aussi combattre épidémie et caprices du temps pour mener à bien cette expédition. Le Luxor fut remorqué au retour par la corvette à vapeur de 160 chevaux, le Sphynx qui consommait environ une tonne de charbon à l‘heure, ce qui imposait de nombreuse escales ! 120 hommes d’équipage sur les 130 du départ (plusieurs morts ayant été déplorés) revinrent en héros. D’abord à Cherbourg où le roi les attendait, puis dépourvu de ses mâts à Rouen, le navire tiré pas 16 chevaux de hallage atteignit Paris le 23 décembre 1833, après un périple de 9 000 km. Les ponts, les bords de Seine étaient envahis par une foule enthousiaste.
L'obélisque coiffé de son pyramidion
Délesté de son chargement, le bateau ira à Brest pour prendre possession du socle de granit qui servira de piédestal au monument. En attendant l’obélisque reposait sur un ber comme un navire avant sa mise à l’eau. Ce n’est que le 25 octobre 1836, devant une foule de 200 00 spectateurs, la famille royale se trouvant au balcon du ministère de la Marine, que l’érection, sous la direction de l’ingénieur Lebas, peut commencer. Avec l’aide d’un système de levage, de bigues, de palans et de chaînes de retenue, le cabestan est tiré pas 350 soldats et marins dirigés au porte-voix. Presque 4 heures d’efforts, sous un silence souvent oppressant, seront nécessaires. A 15H12, les clameurs de la foule se font entendre, l’opération est terminée et réussie, l’obélisque pointe à nouveau vers le ciel. 163 ans plus tard, un pyramidion doré coiffera le monument lui rendant totalement son aspect d’origine.
L’obélisque est devenu depuis lors inséparable de la place de la Concorde et constitue sans doute le plus vieux monument parisien qui ne fut finalement classé qu’en 1937.
Dominique Feutry