Dans un reportage sur la quantité impressionnante de bureaux vides à Paris, l'hebdomadaire "Le Point" sur Internet commente cette semaine des déclarations de Ian Brossat, président du groupe communiste à la Mairie de Paris et Maire-Adjoint auprès d'Anne Hidalgo, en charge du logement. Des déclarations qui se contredisent.
La première est un constat que nous rappelons inlassablement depuis cinq ans au moins : Paris est la ville où la densité d'habitants est la plus élevée d'Europe (avec 24.000 habitants au km², hors bois). Quand on se prononce de la sorte, c'est évidemment pour s'en plaindre. Ce n'est pas le cas de M. Brossat qui parle au contraire de l'augmenter, en assurant la conversion de bureaux en habitations.
Bureaux vides à Paris (Illustration Le Point Solal/Sipa)
Sa réflexion repose sur la constatation qu'il existe une forte demande pour des logements sociaux à Paris, que l'offre actuelle ne peut satisfaire, et sur un impératif qui est celui de la "mixité sociale", postulat dont on se dispense de faire la démonstration tant il s'impose comme une évidence à chacun.
Les choses ne sont pourtant pas aussi simplistes et il n'est pas inutile de se départir de toute idéologie et regarder froidement le problème en face si on veut le résoudre.
On comprendrait aisément qu'il y ait de nombreux candidats pour vivre à Paris (intramuros) si l'activité économique, les entreprises et leurs sièges, devaient s'y concentrer de façon durable. Éviter aux salariés de longues heures dans des transports en commun inconfortables pour aller de la banlieue au travail serait un objectif pertinent. Mais c'est une tout autre situation qu'on découvre : les entreprises et leurs sièges fuient Paris au profit de la proche banlieue, parce qu'elle est moins coûteuse. Doit-on dans ces conditions attirer à grands frais des habitants dans Paris pour qu'ils en soient réduits à reprendre le RER chaque jour mais en sens inverse ?
A grands frais, c'est bien le cas. Car la transformation de bureaux en appartements, au sein d'immeubles dont beaucoup sont haussmanniens, est extrêmement onéreuse. Le prix de revient de ces logements, une fois transformés, atteindra des sommets tels qu'il sera strictement impossible de les rentabiliser par des loyers modérés ou même moyens. Si la Mairie de Paris s'engage dans cette voie, elle creusera le déficit annuel qui à son tour ira grossir la dette.
C'est sur les contribuables parisiens, ceux en particulier qui se sont logés "à la force du poignet", sans bénéficier de faveurs, en empruntant, qu'un jour ou l'autre la charge de cette dette retombera. Anne Hidalgo s'est engagée à ne pas augmenter les impôts pendant la mandature. Dont acte. Mais si les comptes dérapent, elle ne pourra tenir son engagement qu'en augmentant la dette, quitte à maquiller des subventions d'équilibre en investissements. Une méthode qui s'apparente à la cavalerie. Un jour il faudra payer, en se rappelant que les taux d'intérêt sont dérisoires en ce moment mais qu'ils peuvent se redresser demain en rendant la charge de la dette insupportable.
La sagesse serait donc aujourd'hui d'y regarder à deux fois avant de densifier Paris, en "étatisant" encore plus le logement puisque c'est bien de cela qu'il s'agit pour M. Brossat. S'il est vrai que des locaux commerciaux cherchent preneur actuellement, la loi de l'offre et de la demande devrait faire baisser les prix et finir par rendre ces bureaux attractifs. Si leur rendement financier chute, il en est de même de la valeur du capital, donc du prix de l'immobilier. On est peut-être à la veille pour cette raison d'une baisse du foncier à Paris plus significative que celle que nous avons connue ces deux dernières années.
Dans cette hypothèse on serait bien avisé de laisser sa liberté au marché parisien pour éviter d'aggraver les déséquilibres financiers de la capitale.
Si la tendance se confirme, l'activité économique et avec elle les besoins en logements se déplaceront progressivement hors de Paris accompagnant en cela le projet de "Paris Métropole" qui sera une réalité dès 2016,
Il n'est donc pas opportun, pour toutes ces raisons, de financer à perte du logement à Paris, à contre-courant de la nécessaire optimisation des déplacements en Île-de-France qui suppose de rapprocher les activités et le logement. Le mouvement centrifuge qu'on constate aujourd'hui a du bon. Il place les entreprise au sein d'une zone moins habitée où le logement peut s'épanouir sans recourir à des artifices qui ne peuvent que peser sur le pouvoir d'achat d'une catégorie sacrifiée de citoyens.
Gérard Simonet
Post scriptum du 24/04/2015
Notre article a été lu et commenté par un éminent urbaniste d'origine française qui a fait sa carrière à la Banque Mondiale. Voici ce qu'il en dit :
I agree completely with the author. The municipality of Paris seems to select the most expensive and the least efficient way of providing housing for low income households. Office buildings are becoming vacant in many cities because jobs are spreading in suburbs. This is happening in many cities of the world, and in particular in New York where many office buildings in Wall Street area are being transformed in apartments. However, the transformation is very expensive. It is therefore better to have the future users pay for the change than the local taxpayer. When some households are too poor to afford a decent apartment, it is better for the government to provide them with a voucher rather than giving them an apartment which might not be in the right location and might not be of the right size.
Senior researcher at the New York University.