Place de la Bastille, au centre la Colonne de Juillet, au fond l'Opéra
" Apaiser l’espace public, rééquilibrer les usages au profit des piétons et des circulations douces, valoriser les espaces naturels, tels sont les grandes ambitions portées par l’exécutif municipal pour faire de notre capitale une ville bienveillante, harmonieuse et durable. Imaginer de nouveaux usages, remettre en question nos habitudes… C’est à partir de votre envie de vivre la ville que les projets vont se dessiner."
Telles sont les phrases choc que nous reprenons du site de la Mairie, Paris.fr, au sujet de l’aménagement souhaité par la Maire des 7 places, Bastille, Fête, Gambetta, Italie, Madeleine, Nation ou Panthéon. Pour cela il est spécifié aussi que « la participation citoyenne est plus que jamais au cœur de la démarche d’élaboration des programmes ».
Vouloir aménager des places pourquoi pas mais est-ce si prioritaire comme le laissent à penser les discours officiels ? D’abord et avant toute chose, cela coûte beaucoup, beaucoup d’argent. Il suffit de se pencher sur le dossier de la place de la République pour en être convaincu, un réaménagement qui a coûté 24 millions € à la Ville (« Le Moniteur » du 05 septembre 2013). Il a été dit récemment que les parisiens plébiscitaient cette place. Les échos que notre association reçoit ne démontrent pas une telle adhésion ! Il n’empêche que vouloir aménager autant de places, si l’on se fonde sur ce qu’a coûté la Place de la République, correspond à une dépense de 100 à 150 millions € (loin des 30 millions annoncés), ce qui n’est pas rien même en l’étalant sur plusieurs exercices budgétaires, alors que nous sommes dans un contexte de contraction des recettes !
Pour la place de la Bastille, les constatations faites sont que le trafic des véhicules est dense mais qu’il reste fluide (5600 véhicules à l’heure de pointe le soir). Le nombre d’accidents est difficile à évaluer, on parle d’une centaine sur 3 ans, mais les chiffres datent de plus de 6 ans. La végétalisation qui existe est peu visible (sauf sur les quais de l’arsenal), le mobilier est hétéroclite, l’éclairage est à revoir. La pollution aux particules comme le bruit sont assez élevés. Les places de stationnement sont quasi inexistantes mais il y a un stationnement illicite important de motos. La place voit converger 8 lignes de bus plus des lignes de cars touristiques, 3 lignes de métro (avec de nombreuses sorties et plusieurs escaliers mécaniques), mais il n’existe qu’une seule station de taxis.
Nous apprenons aussi, qu’outre la Colonne de Juillet, les quais de l’Arsenal sont classés en Zone Verte Urbaine, les quais de la ligne 1 du métro en Zone Urbaine de Grands Services Urbains, que le sous-sol, une ancienne carrière, est très encombré par des réseaux souterrains qui sont loin de représenter « quelques contraintes techniques » comme le relève le dossier de présentation.
Les conseils de quartier, récemment interrogés, ont fait des propositions qui convergent le plus souvent avec les souhaits de la Mairie. Il faut plus d’arbres et de végétation (devant l’Opéra en particulier), une traversée piétonne directe de la place sans devoir la contourner, des pistes cyclables, des places de stationnement, pouvoir relier en un seul ensemble la place, les quais du Canal Saint-Martin, le bassin de l’Arsenal et la Coulée Verte. Mais il est demandé aussi de mettre plus en valeur l’histoire (enceinte de la Bastille, Colonne de Juillet ...), de diversifier les commerces (les bars et les restaurants sont très nombreux) tout en supprimant les « baraques à frites » et en sécurisant certains lieux identifiés comme « points chauds », par exemple les escaliers accédant au sous-sol devant l’Opéra.
Cet état des lieux et ces diverses propositions étant rappelés, plusieurs points nous inquiètent. Si les aménagements réduisent la circulation où le trafic, il va forcément se reporter dans les rues voisines déjà très fréquentées (rue Saint-Antoine, boulevard Beaumarchais, rue du faubourg Saint-Antoine… ?). Si la volonté est d’attirer plus de touristes, cela ne va-t-il pas avoir comme conséquence de sur saturer le Marais déjà fort encombré et sur visité ? Lorsqu’il est mis de surcroît comme point positif que la place est un « lieu de fête et d’attractivité », les bras nous en tombent. Veut-on reproduire dans tout ce secteur ce qui fait le malheur des riverains dans différentes quartiers et plus spécifiquement non loin de là dans le XIe ? La fête n’est donc que la seule voie d’ambition et de progrès qui, soulignons-le, est antinomique avec la volonté affichée de nos édiles « d’apaiser l’espace public » ! Enfin lorsqu’il est fait mention du « passage sur la place d’une ligne de transport à haut niveau de services », nous ne voyons pas très bien de quoi il s’agit ?
Certes certains aménagements de la place de la Bastille, s’ils sont réalisés, ne seront pas du luxe. Elle est loin de refléter son passé historique et se trouve souvent mal traitée, il suffit de voir son état après une manifestation ou un rassemblement ! Franchement la place mérite autre chose ! Mais vouloir réduire drastiquement la circulation c’est déporter le trafic plus loin et concentrer les problèmes, notamment de pollution, ailleurs, alors que le constat est qu’actuellement le trafic reste fluide. Quant à affirmer que la place est « un lieu de fête et d’attractivité nocturne » c’est déjà vouloir ne rien faire pour qu’il n’en soit pas ainsi, au contraire c’est montrer déjà quel sera l’un des objectifs de l’aménagement. Restons plutôt dans l’optique d’un endroit familial et convivial valorisant les espaces naturels et permettant aux habitants d’avoir une vraie vie de quartier. Les touristes et les fêtards devant passer après.
Nous vous tiendrons informés des orientations qui seront retenues, du coût de cet aménagement qui doit être raisonné et ne pas devenir l'embléme d’une volonté. Nous notons que la concertation a lieu du 20 juin au 25 juillet, c'est-à-dire en pleine période de vacances d'été durant laquelle nombre de parisiens seront absents.
Dominique Feutry