Cité des Arts et des Sciences, "l'Hémisphéric" à droite, le Palais des Arts au fond. Au premier plan, une sculpture de feuilles d'aluminium peintes à l'acrylique, du plus heureux effet.... (Photos VlM)
Au moment où s'ouvre chez nous un débat autour de la reconstruction à l'identique ou pas de Notre-Dame de Paris, après l'incendie qui a détruit sa flèche et sa charpente, nous rentrons d'un voyage instructif à Valencia, ville de près de 800.000 habitants au sein d'une métropole de 2 millions d'âmes sur la côte méditerranéenne de l’Espagne.
Il y a deux Valencia : la vieille ville, interdite à la circulation, riche en monuments historiques et la ville moderne, traversée par la Turia, une rivière qui a été détournée de son lit naturel dans les années 60 pour que la ville échappe à la menace d'inondations comme celle de 1957. La rivière est devenue un jardin et une promenade d'où l'on peut admirer les ponts anciens qui sont restés en place.
La vieille ville serait admirable si la municipalité, décidément mal inspirée, n'avait laissé les tags, graffs et inscriptions sauvages proliférer sur les murs et autres supports. Il en ressort un sentiment profond de dégoût et de colère devant le gâchis que ce laisser-aller a causé au point qu'il semble hors de portée maintenant d'y remédier tant le désastre est installé et incrusté dans le paysage de la rue.
A gauche "L'Umbracle" , un parcours semi-ombragé sous des arceaux, à droite l'Agora et le Pont suspendu de l'Assut de l'Or, une réalisation qui allie prouesse technique et élégance.
En contrepoint de cette faillite de la municipalité, la ville neuve resplendit de ses avenues très larges, de rues et trottoirs propres et de murs étrangement respectés. En parcourant le lit de la Turia en direction de la mer, on découvre sur un espace non urbanisé de plus d'un kilomètre de long successivement le Palais de la musique puis la Cité des arts et des sciences avec le Palais des Arts, l'Umbracle, l'Hemisfèric, le Musée des sciences, le Pont de l'Assut de l'Or, l'Agora et pour finir le musée Oceanogràfic, le plus grand dans son genre en Europe.
Le complexe est l'oeuvre de l'architecte et ingénieur Santiago Calatrava Valls, natif de Valencia, reconnu et apprécié dans le monde entier pour ses formes et ses audaces architecturales. Il impose ici une signature contemporaine et l'art de concilier les fonctionnalités et la recherche esthétique au service d'un résultat artistique d'avant-garde. Son inspiration découle de formes biologiques ou zoo/anthropo-morphiques (l'Hémisféric par exemple est un œil...). La réalisation de l'ensemble s'est étalée sur 12 ans, de 1998 à 2009.
Ce sont des créateurs de cette trempe qui seraient capables de "réinventer Paris" comme nous le propose Jean-Louis Missika, Maire-adjoint en charge de l'urbanisme, s'il est démontré toutefois que Paris doive l'être. Mais le risque qu'ils nous déçoivent est grand.
La pyramide du Louvre, la Grande Arche, la Fondation Louis Vuitton ont enrichi Paris. L'Opéra Bastille, les Colonnes de Buren l'encombrent, la Philarmonie, vue de l'extérieur, est d'une lourdeur affligeante qu'elle partage avec l'ensemble des constructions du Parc de la Villette et de la Cité des sciences. Beaubourg a été le fossoyeur d'un quartier qui, réhabilité, aurait eu plein d'attrait. Quant à l'édifice lui-même et ses tuyauteries, il est digne de respect et mérite l'admiration mais il aurait été plus sage de le construire dans un cadre adéquat ; à la Villette par exemple...
Ce que les urbanistes de Valence ont bien compris, eux, en investissant l'espace libéré du lit de la Turia !
Gérard Simonet