Rassemblement devant une supérette du IIIe au moment de la récupération des denrées dont la date limite de vente est dépassée (Photo VlM)
Six personnes attendent devant cette supérette et se précipitent au moment attendu pour retirer du conteneur à déchets les articles qui ont dépassé la date limite de vente, mais qui restent pour elles "consommables".
La réglementation prévoit deux genres d'articles. D'une part les produits périssables (charcuteries, viandes fraiches, crèmerie…) qui font l'objet d'une DLC (date limite de consommation). Leur vente est interdite au-delà. Le commerçant qui ne respecte pas cette obligation s'expose à des sanctions pénales.
D'autre part, les denrées préemballées dont la DLUO (date limite d’utilisation optimale) est celle où le produit alimentaire peut avoir perdu de ses qualités, sans présenter de danger pour la santé. Cette date est indicative ; il n’est donc pas nécessaire de jeter le produit quand la DLUO est dépassé. Certains magasins en font d’ailleurs leur spécialité.
On constate que chaque jour les commerces alimentaires se débarrassent d'un certain nombre d'articles et en remplissent un conteneur qu'ils mettent sur le trottoir pour enlèvement par les services de ramassage des ordures ménagères. C'est le signe qu'ils sont attentifs aux dates de péremption. S'agit-il de produits DLC ou DLUO ? Nous avons questionné le manager d'un de ces magasins sans obtenir de réponse.
Il n'y a rien d'étonnant à ce que ces denrées, dans la mesure où elles sont encore consommables, qu'elles sont bien emballées et qu'elles ne coutent rien, suscitent un intérêt de la part de personnes à faible pouvoir d'achat. Qu'elles s'en accaparent avant que ces produits partent dans la benne à ordures est tout à fait compréhensible et si le commerçant laisse faire c'est tout à son honneur.
La scène à laquelle on assiste chaque jour soulève cependant des questions essentielles. On ne peut pas parler de précautions sanitaires et de distanciation sociale quand une demi-douzaine de personnes sont dans un corps à corps au bord d'un conteneur pour en prélever le contenu. On ne peut pas se satisfaire non plus d'une situation qui fait fi de la dignité de ces gens en les conduisant à se bousculer pour se procurer une nourriture qui leur est jetée en pâture.
"La façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne". On ne jette la pierre à personne. Il est probable que le commerçant ait conscience de l'inconvenance de la situation et que des contraintes de place, économiques ou de personnel l'empêchent d'agir autrement. Il est évident aussi que les pouvoirs publics, mairies et police, sont informés de cette pratique qui concerne toutes les supérettes de Paris-centre et sans doute d'ailleurs, et pensent plus judicieux de fermer les yeux.
Il reste à trouver un mode opératoire qui respecte les directives sanitaires actuelles (qui ont toutes les chances de s'imposer de façon durable) et la dignité humaine. Nous attendons des témoignages dans ce sens de nos lecteurs. Le simple remplacement du conteneur d'ordures ménagères par un "présentoir" offrant plus d'espace pourrait être un progrès. Mais peut-être avons-nous affaire à un cas typiques de problème sans solution et ce serait bien triste….
GS