Carrefour Temple/Haudriettes, 84 rue du Temple (IIIe)
S'il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !
"Ultima verba" - Les Châtiments - Victor Hugo
Ils étaient très nombreux dans le Marais il y a vingt ans encore ces grossistes importateurs de maroquinerie made in China. C'était l'époque où la mono-activité sévissait. Le commerce d'ERDILIN en était. Son propriétaire, le sympathique Christian LIN, a vu ses pairs partir les uns après les autres en direction d'Aubervilliers. Ils ont trouvé en lisière de Paris l'espace vital dont ils étaient cruellement privés dans les rues étroites et les immeubles anciens du Marais, inadaptés à leur type de commerce.
Christian quant à lui, tel la chèvre de Monsieur Seguin, s'est battu jusqu'au bout pour demeurer là mais il vient de céder aux réalités économiques. Nous espérons que c'est pour son bien et pour le succès de ses affaires.
ERDILIN entretenait depuis toujours des relations de bon voisinage avec les riverains. Il est probable cependant que les habitants du secteur se réjouissent en apprenant que des travaux sont en cours pour transformer ce commerce en boulangerie-pâtisserie dont la couverture s'étendra au local adjacent du 86 rue du Temple.
Il s'agit du rez-de-chaussée d'un immeuble qui date du XVIème/XVIIème siècles, de taille modeste, mais qui surprend par l'élégance de ses fenêtres et la présence sur la façade de petites têtes sculptées qui s'apparentent à des mascarons.
On ne pourra pas dire cette fois qu'un commerce de bouche laisse sa place à un marchand de fringues. C'est plutôt le contraire qui se produit. Le carrefour, qui devrait légitimement porter la référence historique "d'Échelle du Temple" (**) plutôt que le nom de Renée Vivien (une illustre inconnue, poétesse disciple de Sapho), est en train de vivre une large rénovation avec l'ouverture de "Galleria Continua" (Temple/Michel le Comte), le décor (discutable il est vrai) du gymnase et la galerie d'art Sabine Bayasli au 99.
Trois branches sur quatre sont heureusement réhabilitées. La quatrième mériterait elle aussi de l'être : il s'agit du petit square au pied de la grande fresque de Christian Hours/Catherine Feff "l'Esprit des Lieux" (1996). L'entretien du jardin laisse beaucoup à désirer et la mairie serait bien inspirée de décourager les nourrisseurs de pigeons dont le comportement irresponsable rend cet espace insalubre.
Gérard Simonet
(**) L'Échelle-du-Temple : L'Ordre des Templiers avait érigé en ce lieu, hors de ses murs, un échafaud, une sorte de gibet où les condamnés de Haute Justice, à des peines non capitales, étaient exposés aux insultes et quolibets du public