La façade de l'Hôtel d'Hallwyl, 28 rue Michel Le Comte (IIIe)
Dans un article du 31 mars 2010 de notre blog consacré au squat discret de la rue de Montmorency, sur lequel nous sommes revenus récemment (voir le blog en date du 12 décembre 2012), nous évoquions l’Hôtel d’Hallwyl, 28 rue Michel Le Comte (IIIe), aménagé par Claude-Nicolas Ledoux dont le jardin pouvait être admiré des fenêtres de l’immeuble incriminé. Il s’agit de l’unique hôtel particulier de ce célèbre architecte subsistant à ce jour à Paris. Les fameuses rotondes (La Vilette, Parc Monceau) étaient des bâtiments administratifs de la fameuse barrière qui entourait la capitale afin de réduire la contrebande.
Il convient toutefois de rappeler que la plus connue des réalisations de Ledoux reste la Saline d’Arc-et-Senans en Franche Comté. Mais nous lui devons de nombreux édifices tels le château de Benouville dans le Calvados, le grenier à sel de Compiègne ou le théâtre de Besançon où il créa la première fosse d’orchestre.
C’est après avoir terminé les décors du Café Militaire, célèbre établissement de la rue Saint- Honoré aujourd’hui détruit dont les boiseries ont été remontées dans une salle du musée Carnavalet que Ledoux reçoit en 1766 (il a 30 ans) commande de cette construction. François-Joseph d’Hallwyl est colonel de la Garde Suisse (un régiment d’infanterie de plus de 2000 soldats affectés au service du roi).
Ledoux va transformer radicalement l’Hôtel de Bouligneux que Mansart avait aménagé, dont l’un des occupants fut rappelons le Necker et dans lequel est née sa fille qui deviendra plus tard la très connue Madame de Staël. Pour magnifier l’ensemble, Ledoux applique ses préceptes de rigueur de composition, d'esprit fonctionnel et de sobriété. Il dote cet ensemble d’une simple façade néoclassique proche de celles de la Renaissance italienne, que l’on retrouve aussi dans d’autres constructions de ce type en Europe. Le portail d’entrée encadré de colonnes cannelées est au centre. Un tympan sculpté de deux génies ailés adossés à une urne le surmonte.
Vue de la colonnade du jardin
D’anciennes photographies représentent cette façade flanquée de deux magasins à chaque extrêmité! Les communs se trouvaient côté rue et les écuries pouvaient contenir 18 chevaux. L’aspect extérieur du corps de logis est simple, sans ordonnancement précis, excepté de hautes fenêtres à fronton et balustrade de pierre et des refends à bossages à la manière de certains palais italiens. L’intérieur est décoré avec beaucoup de goût, la plupart des décors et lambris ont disparu au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle.
On a cependant retrouvé de très beaux plafonds peints à la française du XVIIe donc antérieurs aux travaux de Ledoux lors de la restauration. Ces poutres et solives sont souvent ornés de motifs floraux et de grotesques aux visages expressifs dont les couleurs sont splendides. L'escalier d'honneur à la perspective feinte est sobre et élancé, typique du Marais. Il dispose d’une rampe très élégante en fer forgé. Une des raretés de l’édifice provient de son jardin qui est ordonnancé tel un atrium antique bordé d’une galerie soutenant des terrasses supportées par deux galeries de colonnes doriques encadrant un parterre végétal, autrefois planté de grands arbres. Contre le mur du fond, attenant à la rue de Montmorency se trouve une sorte de « rocaille » constituée d'une nymphée décorée de concrétions (les statues en terre cuite qui entouraient la fontaine ont disparu).
Ce jardin était encore, il n’y pas si longtemps, recouvert d’une verrière, éclairé de néons (comme tout le reste du bâtiment) et transformé en cantine de la société Lyon- Allemand-Louyot et Cie qui l’occupait depuis 1968. Dès 1790, l’Hôtel passe aux mains de la fille unique d'Hallwyl devenue princesse Esterhazy puis à François Guyot de Villeneuve qui le quitteront en 1849. L’ensemble abrita ensuite des banques des commerces, les pastilles Valda, une fabrique de plastiques moulés, une imprimerie papeterie et les services administratifs du fondeur de métaux cité. Petit à petit cet ensemble architectural fut dénaturé. Aussi a-t-on pu se réjouir lorsqu'il y a 15 ans, a démarré la restauration redonnant une partie de son lustre à cet ensemble qui compte désormais 9 appartements.
Dominique feutry