La mairie du IIIe, vue depuis les jardins du square du Temple
Enfin vous l'emportez et la faveur du roi
Vous élève en un rang qui n'était dû qu'à moi (Corneille)
C'est en d'autres temps et en d'autres termes ce qu'aurait pu dire la mairie du IVe qui perd la course au statut de mairie du nouvel arrondissement Paris-centre (nom choisi avec 56,7 % des suffrages) au profit de la mairie du IIIe qui s'impose avec une une courte majorité de 50,49 %. Les habitants des quatre arrondissements ont voté et comme on s'y attendait la lutte a été serrée entre ces mairies-là.
Sur le fond, on n'a pas vraiment compris l'intérêt d'une mesure qui regroupe les quatre premiers arrondissements de Paris. On s'en est expliqué objectivement dans un article précédent. L'équipe municipale de l'Hôtel de Ville met en avant le caractère lilliputien du premier arrondissement qui ne pouvait pas rester en l'état avec ses 17.000 habitants. Ferdinand Lop, candidat farfelu aux élections présidentielles dans les années 60, n'aurait pas désavoué cette décision lui qui proposait dans son programme la suppression de la voiture de queue dans le métro car c'est la plus bondée...
En créant un arrondissement de 101.000 habitants, cependant, on met à l'index les VIIIe et VIe qui apparaissent désormais minuscules avec leurs 36.674 et 43.451 habitants (chiffres 2015). Quelqu'un suggérera-t-il qu'on les fusionne pour approcher le chiffre respectable de 100.000 ? C'est le Ve alors qui détonnera avec le chiffre dérisoire de 60.938 habitants... En poursuivant le raisonnement il y a fort à parier qu'on en arrive à ce qu'il n'y ait plus qu'un seul arrondissement à Paris !
Trêve de persiflage amical, il y avait un enjeu dans cette compétition qui opposait tout autant les mairies, leurs localisations et leurs caractéristiques, que leurs Maires et on aurait pu s'attendre à une forme de combat entre Pierre Aidenbaum qui peut se prévaloir d'un bilan respectable depuis 1995 et entend continuer à jouer un rôle, et Ariel Weil qui est servi par sa jeunesse, son dynamisme, son sens de la communication et la discrétion de son ambition politique. On a guetté ce combat mais reconnaissons qu'on ne l'a pas vu. L'un et l'autre sont restés sur la réserve et ils ont sans doute sauvegardé des avenirs politiques qui demeurent intacts.
Fidèles à notre engagement de neutralité politique face à la compétition qui s'engage pour la mairie de Paris, nous aurons des entretiens avec eux et leurs concurrents pour faire savoir quelles sont les attentes des citoyens que nous représentons sur les sujets qui nous occupent : défense du patrimoine, résistance aux dérives sur la densification de Paris, tourisme de masse et son corollaire la location saisonnière ; lutte contre le bruit, l'accaparement de l'espace public et le tapage nocturne ; circulation et déplacements, combat pour que Paris n'ait plus à rougir de sa saleté et de ses rats, dénonciation de l'affichage sauvage sous toutes ses formes (qui vont jusqu'au marquage au sol...).
Il faut absolument que ceux qui briguent le pouvoir et nos suffrages comprennent que Paris ne sera plus Paris si la ville est livrée à la fête débridée d'une déferlante touristique qui menace les sites où se concentrent des éléments importants de notre patrimoine collectif.
S'agissant de l'emplacement de la mairie du nouvel arrondissement, il convient de rappeler que l'un de nos derniers souverains a vécu des jours funestes avec sa famille dans la Tour du Temple, là où va se situer l'expression contemporaine du pouvoir populaire, la mairie du IIIe arrondissement qui s'apprête à changer de dimension pour représenter quelque 100.000 administrés .
L'enclos du Temple, au XIIIème siècle. En haut à droite le palais du Grand Maître (actuellement square du Temple) et dans le fond la Grande Tour (emplacement de la mairie du IIIe)
Cette tour a été sinistre à plus d'un titre. C'était une prison et le petit roi Louis XVII, âgé de 10 ans, y est mort dans des conditions indignes qui n'ont pas honoré la république naissante. On peut être attaché à notre République et reconnaître les sévices qu'elle a commis dans ses débuts en exécutant un roi plutôt débonnaire, une reine qui ne méritait pas la peine capitale et en laissant leur fils mourir, comme le dit Pierre Joseph Desault chirurgien et anatomiste de l'époque, «victime de la misère la plus abjecte, de l’abandon le plus complet, sur un être abruti par les traitements les plus cruels"
La construction de la Tour et de l'enclos du Temple remonte au XIIIème siècle. L'édifice comportait une tour principale de 50 mètres de hauteur, la Grande Tour, flanquée de quatre tourelles qui donnaient à l'ensemble l'allure d'un château fort. On peut dire d'elle comme pour la Bastille, que ces édifices avaient un côté patibulaire mais c'étaient des monuments. A ce titre, beaucoup pensent que l'une comme l'autre ajouteraient un attrait à Paris si on les avait conservées.
On sait ce qu'il en a été de la Bastille dont il ne reste que quelques pierres. La Tour du Temple a été démolie en 1808 sur ordre de Napoléon car elle était devenue un lieu de pèlerinage pour les royalistes.
De l'enclos du Temple et de la grande Tour, il ne reste que des gravures, contrairement au Prieuré Saint-Martin qui est tout proche, le long de la rue Saint-Martin, toujours dans le IIIe, et qui nous offre encore une chapelle, un cloître, un beau réfectoire, une tour d'enceinte à l'angle de la rue du Vertbois et une autre de même facture dissimulée rue Bailly dans les locaux d'une entreprise de matériaux de construction...
C'est mentir toutefois par omission que de dire qu'il ne reste rien de l'enclos du Temple : un pan du mur d'enceinte et une portion imposante d'une tour de guet sont dissimulés dans les immeubles existants entre les rues de Picardie et Charlot. On peut voir la tour et son extrados si on s'introduit au 73 de la rue Charlot et son intrados qui sert de banquettes à un café restaurant du 32 rue de Picardie !
Les habitants des 2ème et 1er arrondissements sont les bienvenus dans le regroupement qui prend le nom de Paris-centre. Notre association, de par son nom, s'adressait plus spécifiquement aux habitants du Marais et par extension aux habitants des IIIe et IVe. Elle a désormais vocation à s'intéresser aussi aux deux premiers arrondissements. C'est pour cette raison et pour réagir aux requêtes des moteurs de recherche sur Internet qu'on a introduit dans son en-tête le flag "Vivre Paris-centre !".
Gérard Simonet