Terrasse étendue sur l'espace public (Photo Le Parisien)
On peut lire aujourd'hui 31 mai dans "Le Parisien" une interview de la Maire de Paris Anne Hidalgo par Nicolas Maviel sur les mesures d'aide aux bars-restaurants au titre de la sortie du confinement.
Aucune association de la nébuleuse "Vivre Paris !" à notre connaissance n'a été consultée sur ces mesures. C'est regrettable car nous n'y sommes pas forcément opposés. Nous compatissons avec les bars et les restaurants qui ont baissé le rideau depuis le 17 mars et nous souhaitons que la solidarité avec eux se manifeste. Dans les deux arrondissements du Marais la relation exploitants/riverains a connu des orages mais l'engagement des Maires et de la Police aux côtés des habitants et de leurs associations de défense a eu raison jusque là des conflits.
Ces jours deniers encore, on a vécu place du Marché Ste Catherine une situation intolérable pour les riverains mais le Maire est intervenu pour rendre l'espoir à une population en désarroi. Un seul dossier a résisté et constitue depuis dix ans l'exception à la règle : le WHO's de la rue St Merri/Pierre au Lard dans le IVe. Il approche du terme d'une procédure judiciaire au civil alors même qu'il a cessé de nuire du fait de l'épidémie. Partout ailleurs, au Carreau du Temple, rue de Braque, St Martin ou rue Quincampoix les moyens mis en œuvre ont conduit à l'apaisement.
Il en est autrement pour d'autres secteurs à Paris. Nos amis du XIe dont nous parlons régulièrement, ou ceux du canal St Martin, de la butte Montmartre, des Halles et de la Butte aux Cailles, voient avec méfiance le dispositif annoncé. Nous publions ci-dessous un Manifeste des Riverains du XIe (l'arrondissement où Anne hidalgo a choisi de se représenter). Sa tonalité diffère de la nôtre mais on les comprend quand on est sait l'enfer qui est le leur dans les rues de la soif du secteur Jean-Pierre Timbaud/Oberkampf.
Pour en revenir au Marais, si comme l'annonce Anne Hidalgo les exploitants devront signer une charte d'engagement stipulant que les codes du déconfinement seront appliqués aux consommateurs, les conditions d'accessibilité des piétons seront respectées, les terrasses provisoires fermeront le soir à 22h00, toute musique diffusée à l'extérieur sera interdite ainsi que tout dispositif de brumisation, de chauffage, de climatisation ou publicitaire, l'espace concédé sera maintenu propre de tous déchets notamment des mégots dans un rayon de 25 mètres.... nous pouvons accueillir les mesures de manière prudente, mais favorable. On note qu'elles n'iront pas au-delà de fin septembre 2020 et qu'à cette échéance les espaces devront être remis dans leur état d'origine.
Nous comprenons que l'ordre sera maintenu par les agents de la DPSP (direction de la prévention, de la sécurité et de la protection) de la Ville de Paris. Nous serons très attentifs avec les riverains concernés à la manière dont ces engagements seront respectés et plus encore à la façon dont les agents de la Ville réagiront. Quel sera d’ailleurs le rôle dévolu à la Police Nationale ?
Cet épisode peut laisser dans les mémoires le bon souvenir d'une solidarité réussie ou en cas d'échec d'un engagement de la Maire dévoyé.
Gérard Simonet
Manifeste de l'Association des Riverains du XIe :
Anne Hidalgo offre les clefs de la ville aux bars et restaurants
sans la moindre concertation avec les habitants
Sans aucune justification rationnelle, les bars et restaurants avaient déjà obtenu du gouvernement que la distanciation physique soit réduite de moitié en France par rapport à l’Italie, l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Japon, etc. : un mètre ici contre deux mètres ailleurs. La norme de 4 mètres carrés par personne est en vigueur chez nos voisins, respectée sans contestation, mais pas chez nous...
Mais cela ne leur suffisait pas : à Paris, les bars et restaurants ont obtenu le jackpot, bien au-delà de leurs espérances. N’importe quel bar ou restaurant va pouvoir s’installer sur le trottoir et geler les places de stationnement devant son établissement. On en connaît le résultat car la pratique s’est déjà développée, en toute illégalité et sans réaction des autorités, dans certains quartiers de Paris (par exemple, rue des Martyrs, la bien nommée).
SUITE
Le résultat est un cauchemar garanti pour les habitants. Sous leurs fenêtres, les publics alcoolisés qu’ils connaissent bien dans les quartiers populaires ne porteront pas de masques et ne respecteront pas la distanciation physique : le virus se réjouit déjà et les clusters vont éclore…
Pour protéger quelques minorités (les exploitants, les fêtards), Anne Hidalgo organise la triple peine pour tous. Confinement, pollution sonore, et menace du rebond : impossible d’échapper à la triple lame. La période estivale s’annonce tragique pour le plus grand nombre. Confinées chez elles pour se protéger du virus actif et meurtrier, les personnes âgées devront subir les échos de la fête sans pouvoir se défendre. Les familles et leurs enfants auront bien du mal à récupérer la nuit des fatigues de la journée.
La population en général est épuisée par le télétravail, démoralisée par le chômage, actuel ou en perspective, ou obligée de se lever tôt pour compenser des situations financières précaires. De nombreuses familles sont endeuillées ou préoccupées par la maladie. Elles n’auront pas l’esprit à faire la fête et pourtant elles devront en subir toutes les nuisances. Paris, un grand bistrot et des latrines à ciel ouvert…
Malgré leurs demandes répétées, Mme Hidalgo n’a pas consulté une seule des nombreuses associations parisiennes qui représentent activement les habitants depuis plus de dix ans. Elle vante sa démocratie participative dans le monde entier et, à Paris, elle décide seule, sans demander son avis aux habitants (comme pour les JO de 2024...).
Les associations de riverains savent d’expérience que les chartes parisiennes ne servent à rien. Les vrais professionnels n’en ont pas besoin, les exploitants voyous ne les regardent même pas. De toutes façons, ni la police nationale ni la police de la mairie ne sont en mesure de contrôler les engagements annoncés dans ces chartes conçues sans concertation. La régulation de l’espace public n’existe pas à Paris : pas de volonté politique, pas assez d’effectifs, pas assez de voitures, pas d’organisation d’îlotage nécessaire pour une connaissance fine des territoires, pas de coopération suffisante entre les acteurs du mille-feuilles administratif parisien.
La Maire pousse les exploitants à s’affranchir de la réglementation et elle ignore les habitants. Ceux-ci vont réagir avec toutes les armes à leurs dispositions. Nous vivons dans un État de droit et une maire ne peut s’approprier la ville comme dans une république bananière.
Paris, 31 mai 2020