Une terrasse du XIe sur un espace livraisons. Les citoyens comprennent que la municipalité offre aux bars-restaurants, en contre-partie d'engagements, la possibilité pour survivre de s'étendre provisoirement sur des espaces publics ou réservés mais les habitants n'acceptent pas qu'il en résulte des désordres, du bruit la nuit et de la violence. Le récit et les réflexions que nous publions montrent qu'il est souhaitable qu'on sorte très vite de la situation actuelle pour retrouver des conditions normales de fonctionnement.
Le mardi 2 juin 2020, premier jour de l'étape II du déconfinement, deux nouveaux exploitants d'un bar de l’une des rues du quartier Oberkampf croisent un membre de l'association locale de défense de la qualité et du cadre de vie des habitants. Ils le prennent à partie en lui reprochant de nuire aux bars de la rue. Rejoints par un troisième individu, ils le suivent en hurlant des menaces du genre : "Ça ne vas pas se passer comme ça, tu vas voir ce que tu vas voir, on te prévient, te voilà prévenu..."
Le samedi 6 juin, à minuit, au carrefour de deux autres rues riches en établissements vendant de l’alcool, notre défenseur de la tranquillité et de la santé publiques est approché par un barbu fortement éméché qui lui crie ces propos : "Moi, je sais qui tu es et je te préviens, ça ne va pas se passer comme ça, tu vas voir ce que tu vas voir, tu es prévenu, hic !" L’importun tente de lui barrer la route jusqu'à ce que deux passants interviennent et repoussent l’ivrogne.
Mardi 9 juin, à 20h00, alors que notre victime rentre à son domicile, le gérant d'un bar voisin s'en prend verbalement à lui pour crier à la cantonade :"C'est lui, c'est ce connard de ...., c'est lui qui s'occupe des bars, il croit qu'il peut passer inaperçu, mais il va bientôt faire la une des journaux, oui monsieur, vous allez être en première page des journaux, vous voilà prévenu"
Mercredi 10 juin, en compagnie d'exploitants du quartier, le même barbu renouvelle ses menaces. La séquence a été filmée. On y entend à nouveau cette menace : "Samedi dernier, je t'avais prévenu". Ce même jour, sur un ton exalté, le gérant d'une sandwicherie se plaint des contrôles de police systématiques qui le visent. Il conclut par le désormais traditionnel "Vous êtes prévenu". Il ne s'est pas interrogé sur les raisons des contrôles et sur la façon légère dont il jongle avec les engagements qu’il a signés dans le formulaire de la charte de la mairie !
Si un homme averti en vaut deux, après cinq invectives de ce genre à son endroit, c'est un surhomme qui défend désormais la tranquillité des habitants du secteur !
Rentrant chez lui un peu plus tard, il rencontre des exploitants qui participent à un attroupement bruyant dans la rue. Ils le poursuivent dans l’espace public, accompagnés de plusieurs individus. Étant à nouveau la cible de propos violents, il sort son smartphone pour filmer la séquence. Ces individus au comportement peu sympathique s'approchent alors de lui en vociférant et l'un d'eux porte un coup violent sur son téléphone, projeté dans le caniveau d'où il le récupère hors d'état de fonctionner.
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Mais que se passe-t-il dans cet arrondissement populaire de Paris, où se présentent aux prochaines élections municipales la Maire sortante Anne Hidalgo aux côtés du chef de file des écologistes parisiens David Belliard ?
Vilnius s’est récemment rendue célèbre en se transformant en une grande rue bordée de quelques bars de plein air. Si le modèle fonctionne à peu près dans la capitale de la Lituanie, c’est que la densité de la population y est de 1432 habitants/ km². En revanche, transposer cette idée pour les 1500 bars présents dans les 3,7 / km² du minuscule 11e arrondissement de Paris, c’était s’exposer à une catastrophe prévisible. Avec une densité de 40.000 habitants/km², les conflits d’usage étaient assurés.
Les terrasses autorisées avant le Covid étaient très peu nombreuses, car l’espace manque et les demandes n’étaient pas souvent accordées, ni par la Mairie du XIe ni par la Préfecture de police de Paris. Or, comme il fallait s’y attendre, le nombre des terrasses sauvages a explosé partout dans l’arrondissement avec la dérégulation offerte par la Maire de Paris sans le moindre échange avec les habitants.
Ces derniers se sont immédiatement retrouvés dans un cauchemar terrifiant. Les terrasses jetées n’importe comment sur les trottoirs et sur la chaussée génèrent des nuisances sonores insupportables. Les bars ont confisqué l’espace public et les places de stationnement dont ont cruellement besoin les automobilistes résidents ou visiteurs, tous furieux car incapables d’utiliser les emplacements autrefois disponibles. A Paris, tout le monde ne fait pas la fête en permanence. Ceux qui viennent travailler dans l’arrondissement, ceux qui y vivent, tous se sont heurtés au chaos organisé par la Ville.
La « charte des engagements », comme toutes les chartes, n’a pas servi à grand-chose. Les vrais professionnels n’en ont pas besoin pour savoir comment bien se comporter. Les « petits indépendants » qui « gèrent » l’immense majorité des bars locaux ne prennent pas au sérieux des engagements qu’ils considèrent comme largement fictifs. Il n’est que de voir comment est résolue la problématique de la « distanciation sociale » dans les nouvelles terrasses sauvages… bonjour, les clusters…
L’image de la profession est écornée par ces comportements peu rigoureux… On se demande du reste pourquoi les syndicats professionnels (UMIH, SNEG, SYNHORCAT,) ne s’investissent pas davantage pour redresser une situation rapidement devenue déplorable, et pas seulement dans le XIe.
Dans cet arrondissement, cependant, l’association locale représentant les habitants a saisi le Tribunal administratif (voir l’article précédent). Suite à la décision du tribunal, les contrôles, auparavant inexistants, sont devenus à la fois plus réguliers et plus efficaces. Si quelques exploitants professionnels se réjouissent de cette présence qui rassure leur clientèle, plus nombreux sont les gérants qui s’en indignent… Désormais, obligés par la police à remiser leurs installations devenues réellement éphémères, ils cessent leur activité à 22h00, comme le prévoit la charte de la mairie.
Sidération : il faudrait que les exploitants respectent les « engagements » de la charte de la Mairie de Paris ? Voilà qui est bien désagréable et « ça ne va pas se passer comme ça ! ».
Nous voilà prévenus…