Dans cette résidence de la rue du Temple (IIIe) des ateliers d'architectes ont été transformés en résidence hôtelière, louée sur le mode Airbnb. (Photos VlM)
On peut lire aujourd'hui dans le quotidien "Le Parisien" un article pleine page de Delphine Denuit sur les locations saisonnières, qui révèle enfin la véritable dimension du problème vécu par les citadins.
On a amusé la galerie pendant des années avec les fameux 120 jours qui sont la durée de location maximale autorisée pour la location de sa résidence principale. Certains en ont fait un paramètre important alors qu'il est marginal : combien de parisiens résident hors de chez eux plus de quatre mois par an ?
De façon plus efficace, la mairie de Paris s'est intéressée aux résidences secondaires et autres pied-à-terre qui représentent 9% des logements à Paris et sensiblement plus dans les arrondissements du centre. Il est interdit de les mettre en location touristique type Airbnb s'ils n'ont pas le statut "commercial". Le changement de statut d'habitation à commercial est semé d'embuches au point qu'il est devenu virtuellement impossible. Cette source de locations touristiques s'est quelque peu tarie et Ian Brossat, Maire-adjoint communiste de Paris en charge du logement, peut légitimement s'en féliciter.
Mais Ian Brossat qui n'est pas naïf reconnait que le sujet est ailleurs. Nous en avons pris conscience nous-mêmes au temps où la mairie diffusait le BMO (bulletin municipal officiel) qui donnait régulièrement la liste des demandes de permis de construire et d'autorisation de travaux. Ce document n'est plus disponible mais nous avons eu tout le loisir il y a 3 à 5 ans d'observer qu'il incluait de nombreuses demandes d'autorisations de travaux chaque quinzaine pour la transformation d'entrepôts, d'ateliers et autres espaces commerciaux en "résidences hôtelières".
Le phénomène a peu de raison de s'être éteint, car il existe encore dans nos quartiers des locaux de ce type et la mairie par la bouche de M. Brossat déclare qu'elle est impuissante à domestiquer la tendance.
Ce n'est pas totalement vrai. Nous sommes en secteur sauvegardé (SPR ou site patrimonial remarquable). La direction de l'urbanisme qui délivre les autorisations avec le visa conforme de l'ABF (architecte des bâtiments de France) pourrait si elle s'en donnait la peine veiller au minimum au respect de notre patrimoine collectif et mettre ainsi quelques contraintes à la poursuite d'une démarche endiablée vers ce qui est perçu comme un eldorado.
Quand allons-nous revoir dans les rues de Paris le stéréotype de la location saisonnière, le touriste et ses valises à roulettes ?
Au but du compte, que faut-il penser de la situation ? D'abord, raison garder. La location saisonnière est au point mort en ce moment, à cause du COVID mais aussi en raison des mesures restrictives appliquées par la mairie de Paris au parc de résidences secondaires. Il reste le risque de prolifération des "résidences hôtelières" (voir à ce propos notre article du 6 novembre 2019 et l'interview du propriétaire d'un hôtel traditionnel du Marais qui nous dit ce qu'il pense d'une concurrence qui peut être déloyale.
On ne peut pas s'opposer à tout. Il est très positif tout d'abord de constater la disparition progressive d'activités de grossistes qui causaient d'énormes nuisances dans nos quartiers avec des livraisons incessantes qui bloquaient les rues, provoquaient des concerts de klaxons, polluaient et faisaient courir des risques élevés d'incendie à la population. On doit aussi souligner le peu de considération de leurs gérants pour l'esthétique du Marais (devantures, enseignes...)
Il n'est pas choquant qu'une activité économique en remplace une autre. Il faut simplement que la nouvelle venue obéisse à des règles et des contraintes : acceptation des travaux par la copropriété, vigilance de la direction de l'urbanisme et de l'ABF sur les transformations, respect des règlements en matière d'hygiène, de sécurité, de confort et d'accessibilité. Nous comprenons que les textes sont en cours d'élaboration par l'exécutif. Ces règles seront les bienvenues. A défaut c'est la profession de l'hôtellerie qui aura son mot à dire et qui ne s'en privera certainement pas.
Gérard Simonet