Le Palais du Luxembourg, bâti sur 23 hectares pour Marie de Médicis, reine de France et épouse du roi Henri IV, est affecté à la fonction de Chambre Haute, sous diverses formes, depuis 1799. Construit par Salomon de Brosse en 1630, il fut modifié en 1800 sur ordre de Napoléon Bonaparte
C'est au Sénat qu'on a débattu récemment du rôle des ABF (architectes des bâtiments de France), des fonctionnaires du Ministère de la Culture, qui ont vocation de protéger et mettre en valeur le patrimoine français, qu'il s'agisse de monuments ou de paysages.
C'est une mission de nature régalienne. Si la France est le plus beau pays du monde, c'est grâce à ses paysages, incroyablement variés, pittoresques pour certains, et à ses villages, à ses villes et aux monuments qu'une histoire très riche nous a laissés.
Conques, perle du Rouergue dans l'Aveyron, ville-étape sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle (Photo VlM)
La loi ELAN (évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) a été adoptée en première lecture le 10 juin 2018 par l'Assemblée Nationale. Elle comporte des dispositions qui visent à dispenser de certaines obligations la construction des logements sociaux pour accélérer le processus. Elle supprime notamment l'obligation de concours d'architecture pour les bailleurs sociaux (en deçà de certains seuils), ouvrant ainsi la porte à des contrats librement négociés, pour des organismes pourtant largement subventionnés.
Le projet de loi fait mention également de la suppression de l'avis conforme des architectes des bâtiments de France (ABF) pour les travaux entrepris sur des bâtiments patrimoniaux dégradés et insalubres. C'est le Maire de la commune et lui seul dans ce cas qui a la maîtrise du dossier.
Présenté au Sénat au cours du mois de juillet, le projet de loi a été contesté par la Commission de la Culture du Sénat qui s'est opposée à la transformation de l'avis conforme des ABF (qui sous-entend l'obligation de le respecter) en avis simple, purement consultatif, qui laisse la décision à l'autorité territoriale.
En dépit de la résistance de la commission, appuyée par les associations nationales de défense du patrimoine comme "Sites & Monuments" et "France Nature Environnement", le projet de loi a été approuvé par la majorité du Sénat. (voir tribune de "Sites & Monuments")
Il va revenir vers les députés pour qui le champ est libre désormais, à moins qu'ils n'aient mis les vacances d'été à profit pour réfléchir à la gravité de la loi qu'ils s'apprêtent à entériner, et qui pourrait porter en germe le crépuscule des ABF et leur effacement devant les maires dans la préservation du patrimoine de notre pays. Et à terme l'enterrement pur et simple de fonctionnaires devenus inutiles !
Hôtel de Mayenne, 21 rue St Antoine (IVe) après travaux de restauration en 2010-2012, dont la mairie de Paris ne voulait pas et que le Ministère de la Culture et les ABF ont arrachée au forceps. Qui regrette aujourd'hui cette réhabilitation remarquable, qui fait pendant à celle de l'Hôtel de Sully ? (Photo VlM)
C'est ce que redoutent les opposants à la loi. Que doit-on en penser ?
Si l'on s'en tient aux mesures proposées, qui limitent sérieusement le champ d'action de la loi, il n'y pas de quoi crier au loup ! Cependant, il nous semble de notre devoir de défenseurs nous aussi du patrimoine et de l'environnement, de rester attentifs à la tendance.
Déjà en 2008, le gouvernement de Nicolas Sarkozy prônait la déconcentration du domaine régalien de la Culture vers les autorités territoriales. On s'en est rendu compte à Paris dès 2009 à l'occasion de la révision du PSMV (plan de sauvegarde et de mise en valeur) du Marais. L'Etat a admis le partage de responsabilité avec la Mairie de Paris, à charge pour elle d'en supporter tous les frais, car l'Etat est pauvre et les mairies ont les moyens...
Réaction somme toute légitime des mairies face à cette attitude : je paye, donc je décide ! C'est ce qui est arrivé à Paris, sans pour autant qu'il en résulte, en toute honnêteté, des orientations préjudiciables au patrimoine.
On touche là au cœur du sujet. La décentralisation a du bon puisqu'elle rapproche la décision du terrain mais elle suppose des décideurs irréprochables et compétents. Ils ne le sont pas toujours, qu'il s'agisse de béotiens peu sensibles à l'esthétique des choses, ou de gredins qui sacrifient leurs scrupules à l'autel du clientélisme politique ou affairiste. Sur les 35.357 maires de France, il n'y pas que des esthètes et des enfants de chœur !
On a souvent reproché aux ABF leur intransigeance voire, c'est un comble, leur mauvais goût. Il est vrai que la perfection n'est pas de ce monde mais il vaut mieux s'en remettre en matière de choix esthétiques et architecturaux à des gens diplômés dans cette discipline et de par leur fonction politiquement et lucrativement désintéressés.
Pour ces raisons, nous préconisons de laisser leur chance aux députés de mettre en oeuvre les mesures qu'ils croient utiles au démarrage de notre économie qui traîne les pieds avec 1.7 % de croissance alors que les USA avec un président décrié (surtout par nous) caracolent avec un taux de 4.1 %, mais d'écouter et d'entendre notre plaidoyer pour une politique - tant pis si elle est jacobine - qui respecte et mette en valeur les atouts de la France en maintenant la compétence et le rôle dominant de ceux qui ont été formés pour cela.
Gérard Simonet